Théâtre : "Elle a traversé cette violence seule ", confie Sylvie Testud dans un double rôle dans la pièce "Tout le monde le savait"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne et réalisatrice, Sylvie Testud. Depuis le 4 octobre 2022, elle est seule sur scène dans la pièce "Tout le monde le savait" d'Elodie Wallace, d'après le livre de Valérie Bacot et Clémence de Blasi, au théâtre de L'Œuvre.
Sylvie Testud est comédienne, romancière, réalisatrice, césarisée en 2001 pour Les Blessures assassines dans la catégorie Meilleur espoir féminin, puis en 2004 pour Stupeur et tremblements dans la catégorie cette fois-ci de la meilleure actrice.
Depuis le 4 octobre 2022, elle est seule sur scène dans la pièce Tout le monde le savait d'Elodie Wallace, adaptée du livre de Valérie Bacot et Clémence de Blasi, au théâtre de L'Œuvre, et ce jusqu'au 11 décembre. C'est l'histoire d'une résilience, celle d'une femme devenue figure iconique de la lutte contre les violences conjugales. Accusée du meurtre de son mari, cette femme, qui a finalement trouvé la force et le moyen de sortir de l'emprise de son bourreau, est aussi une mère et une victime.
franceinfo : Cette pièce est haletante, choquante même. Ce rôle est-il également un coup de poing pour vous ?
Sylvie Testud : Oui, c'est sûr. Avec un sujet aussi lourd, il faut essayer d'en faire un objet théâtral malgré tout. Évidemment, je ne vais pas dire au public qu'il va s'éclater de rire, pas du tout. On essaie de faire en sorte qu'il puisse ressentir, en fait, tout le stress dans lequel elle a vécu, mais qu'il ait, de temps en temps, un peu à la possibilité de respirer et de voir quelque chose qui, malgré tout, garde de l'humanité, garde un peu d'espoir, un peu de vie et un peu de distance.
Toute la dramaturgie est contenue même dans le titre : Tout le monde savait. Ça en dit long aussi sur ce qui se passe partout dans le monde à propos des violences conjugales, beaucoup voient mais ne disent rien. Et la victime elle-même garde le silence jusqu'au jour où elle décide de parler et se rend compte que le fait de parler n'élève pas du tout la voix.
C'est ça. On a un personnage dans le spectacle, qui est l'avocate et qui est une femme assez forte et qu'on veut volontairement pas rouleuse de mécaniques, mais en tout cas, elle s'en bat un peu les reins de ce qu'on pense d'elle. Et en fait, souvent, on se rend compte qu'on est soumis et un peu fasciné par la force, par la puissance, quelle qu'elle soit.
Dans sa prise de parole, l’avocate que je joue, ringardise le tout-puissant, ringardise le connard et c'est plutôt assez jouissif.
Sylvie Testudà franceinfo
C'est un regard sur les dysfonctionnements.
On n'est pas obligé d'être parfait pour être bien, elle le dit et ça, c'est pas mal, c'est assez libérateur. Et même moi, qui joue les deux personnages, j'encaisse pas mal. Il y a aussi un côté libérateur et je peux vous dire que je ne retiens pas du tout les manettes.
C'est votre mère qui vous a élevée. Est-ce qu'il y a une petite caisse de résonance ? Est-ce que par moments, vous pensez à elle. Ça a été un pilier pour vous.
Ma mère, c'est quelqu'un qui a été très fort. Et parfois même on avait envie de dire : "Tu n'as pas un moment où tu peux t'assoupir ?"
Que vous a-t-elle transmis ?
Ben voilà ! Je tiens bien sur mes pieds, je crois ! Et en plus, on était trois filles. J'ai été élevée dans un environnement dans lequel, en fait, je n'ai jamais eu à me poser la question de savoir si j'étais une fille ou un garçon pour faire ce que je faisais parce que de toutes façons, on était que nous. Donc, personne ne pouvait dire : "Ben, tu ne peux pas faire ça !" Et c'est bien plus tard que je me suis rendu compte du décalage : "Mince, pourquoi quand il parle, tout le monde l'écoute. Et moi, quand je parle, j'attends cinq minutes !" Il y a eu un moment, à l'adolescence surtout, je passais mon temps à couper la parole, je voulais parler !
Il y a un énorme parti pris dans cette pièce, c'est qu'on ne voit pas le bourreau. C'est au spectateur de se l'imaginer. Ça permet aussi aux mots d'être encore plus entendus, les vôtres et ceux de l'avocate.
C'est ça. La pièce est vraiment centrée sur elle. Lui, quelque part maintenant, on s'en fout en fait. C'est ce qu'il a fait, ce que cela a produit sur elle. C'est elle qui nous intéresse. Comment elle a traversé toutes ces années, comment elle a traversé cette violence, seule.
Dans la pièce, on ne voit pas non plus la mère qui sait tout, qui entend tout, mais qui ne fait rien et qui lui demande de partir de la maison quand elle est enceinte de cet homme.
Sylvie Testudà franceinfo
Vous avez toujours énormément travaillé. Vous avez même appris l'allemand pour votre rôle dans Au-delà du silence. Le japonais aussi ! On a le sentiment qu'il faut toujours que vous donniez le maximum et que vous soyez vraiment à fond dans votre rôle.
Je fonctionne différemment, je me dis c'est une chance. Il y a des trucs que je n'ai pas eu le temps d'apprendre quand j'étais petite. Et le cinéma m'a offert plein de trucs comme d'apprendre le japonais, danser le tango ou encore à tirer, et ça, ça m'a éclatée même.
Que représente le cinéma pour vous ?
Un champ des possibles infini. C'est-à-dire que quand je suis invitée en tant qu'actrice, j'entre dans l'univers de quelqu'un. Quelqu'un écrit un film et va me diriger. Vous participez à quelque chose, vous rencontrez des gens, vous raconter une histoire. Demain, je peux devenir un pilote d'avion parce qu'un mec l'aura décidé. Il me légitime et bien mieux que je ne le ferais moi-même.
Ça veut dire que la petite Sylvie Testud a réussi à s'accomplir à travers ce métier ? C'était un rêve d'enfant, ce métier ?
Il m'est arrivé petit à petit. Je n'ai pas exactement le souvenir pile où je me suis dit : Oh, j'aimerais bien ! Et bizarrement, quand j'étais petite, je voulais être juge pour enfants. C'est fou. Je voulais être juge pour enfants parce que j'étais dans un collège où c'était vraiment la zone et il y a une juge pour enfants qui était venue plusieurs fois et elle nous interrogeait les uns derrière les autres. On ne parlait pas, mais elle était super.
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