Thierry Marx défend la cuisine maison, "un combat politique", dans un nouveau livre

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 10 juin 2024 : le chef cuisinier Thierry Marx, il vient de publier un livre, "Le livre rouge de Thierry Marx", aux éditions Flammarion.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Thierry Marx, chef cuisinier. (RADIOFRANCE)

Thierry Marx est un chef cuisinier qui a pour moteur l'innovation et la création d'émotion. Avec d'abord un choix de bons produits qui s'inscrit dans le respect de la planète et des agriculteurs. Avant de tomber amoureux du monde de la restauration, il a été parachutiste, au Liban. En 1988, il a obtenu sa première étoile au Guide Michelin à Montlouis-sur-Loire, avec son restaurant Roc en Val. Puis il reçoit une nouvelle étoile, en 1991, pour son restaurant Cheval blanc à Nîmes, avant d'être élu cuisinier de l'année en 2006 par Gault & Millau. Son visage devient familier pour tous les Français lorsqu'il devient juré dans l'émission Top Chef sur M6. Et aujourd'hui, il dirige plusieurs écoles, supervise deux restaurants, Madame Brasserie sur la Tour Eiffel et Sur Mesure au Palace le Mandarin Oriental. Il a sorti le 22 mai 2024, Le Livre rouge de Thierry Marx chez Flammarion.

franceinfo : Vous dites en introduction, "Je rêve d'un monde qui se lève de son canapé et qui mette Netflix en pause quelques minutes." Ce monde semble vous inquiéter.

Thierry Marx : Oui, c'est un monde qui m'inquiète, d'abord parce que je ne suis pas né avec tout le référentiel numérique digital qu'on a aujourd'hui. Et en même temps, je pense que ce nouveau monde nous fait perdre notre verticalité. On n'est même plus un peuple sédentaire, on est un peuple immobile et ça, c'est dangereux. Donc il faut reprendre conscience que se faire à manger, même si on loupe un certain nombre de choses, c'est toujours meilleur que de commander ou d'avoir un plat ultra-transformé d'une cuisine industrielle.

Vous dites que cuisiner n'est donc pas un sport de riches, mais une manière d'épouser le monde, la vie et l'époque ?

Oui, et c'est un combat politique. Il ne faut pas se laisser asservir ou assigner à un style de cuisine qui correspondrait à une extraction sociale. D'ailleurs, nos aînés nous montraient souvent la possibilité de faire à manger avec pas grand-chose. Manger, c'est le plaisir, le bien-être et la santé. Donc le fait de ne pas se laisser convaincre que l'hyper consommation de produits ultra-transformés est bon pour nous, prouve bien que ce combat politique est important. Ce qui m'inquiète dans notre société, c'est qu'on perd l'esprit critique et l'esprit critique, on l'apprend à l'école.

"Il faut arrêter de faire des consommateurs, il faut refaire des mangeurs. C'est à l'école que vous allez faire des mangeurs. Je ne réclame pas de cours de cuisine, je réclame des cours de gastronomie."

Thierry Marx

à franceinfo

D'ailleurs dans un cours de gastronomie, vous avez de l'histoire-géographie, de l'arithmétique, de la grammaire et de l'orthographe, et vous avez une forme d'hygiène alimentaire qui va s'installer. Et dans 20 ans, vous avez une bonne chance de retrouver des mangeurs plutôt que des consommateurs. Ce sont ces combats-là qu'il faut mener. Je l'ai fait sous forme de clin d'œil avec ce petit livre rouge, parce que les recettes, qui sont dedans, sont extrêmement accessibles, avec pas grand-chose et avec un panier moyen à moins de 3 euros.

Des cours de cuisine à l'école, ce serait le moment où on se détend, où on se rend compte que de travailler de ses propres mains, c'est quelque chose de qualitatif ?

J'avais beaucoup de difficultés d'apprendre pour faire. En revanche, faire pour apprendre, je comprenais le mécanisme. Diviser la crème pâtissière par trois, c'est ennuyeux, mais ça vous évite de louper la recette. Donc vous dites : "J'ai intérêt à apprendre la division". Ce "faire pour apprendre", on le retrouve facilement dans un cours de gastronomie.

Vous parlez aussi du sport. Il est important, en plus d'avoir une alimentation équilibrée, de faire du sport. Vous pratiquez le sport de combat où l'apprentissage de la chute est essentiel et à chaque fois que vous avez chuté dans votre vie, vous avez su rebondir et remonter. Il était nécessaire, pour vous, de transmettre ce que vous avez vécu en tant qu'enfant ?

Je dois à mes parents que le moindre denier qu'ils avaient, c'était pour qu'on fasse du sport. Ça m'a permis vraiment de traverser, et encore aujourd’hui, tous les épisodes de la vie. Il y a un moment, tout est au firmament, puis tout à coup, il y a un risque de chute et il faut s'y préparer pour rebondir et repartir. Et cette magie du sport, c'est quand même un apprentissage de vie extraordinaire.

Est-ce que le petit garçon que vous étiez est fier de l'homme qu'il est devenu au fil du temps ?

J'ai toujours l'impression qu'il manque quelque chose. J'essaie vraiment, à 64 ans de rester un homme positif, même quand je vois qu'il faut travailler sur l'essentiel. Et l'essentiel, c'est cette pauvreté qui s'installe sur toute la planète. Quand je la vois, je me dis que cette misère sociale qui s'installe, est dangereuse, et ce n'est pas en disant que c'est de la faute de l'autre que ça va s'arranger. Il faut trouver des solutions ensemble plutôt que de chercher des coupables.

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