"Une espèce de besoin irrépressible de faire le clown" : Charlotte de Turckheim est à l’affiche du film "Fêlés"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 2 septembre 2024 : la comédienne et réalisatrice Charlotte de Turckheim. Depuis le mercredi 28 août, elle est à l'affiche du film "Fêlés" de Christophe Duthuron, aux côtés de Bernard Lecoq et Pierre Richard.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 15 min
L'actrice et réalisatrice, Charlotte de Turckheim, en août 2021. (STEPHANE CARDINALE - CORBIS / CORBIS ENTERTAINMENT / VIA GETTY)

En tant qu'actrice, pour Charlotte de Turckheim, il y a eu au départ les planches et une belle rencontre avec Coluche qui a écrit et produit son premier spectacle solo. La rencontre avec le public s'est faite sur scène grâce à Une journée chez ma mère, son premier one woman show, et puis au cinéma, avec des rôles dans la comédie La Croisière de Pascale Pouzadoux (2011) ou encore Avis de mistral de Roselyne Bosch avec Jean Reno.

Depuis le mercredi 28 août, elle est à l'affiche du film Fêlés de Christophe Duthuron, aux côtés de Bernard Lecoq et Pierre Richard. Basé sur une histoire vraie, "les Fêlés" sont les adhérents du Foyer Arc-en-ciel, un lieu associatif de Marmande, dans le Lot-et-Garonne. Ils sont psychologiquement fragiles, mais pas assez malades pour être pris en charge par une institution, ni assez valides pour affronter seuls la société.

franceinfo : Est-ce que ce film n'est pas d'abord un film d'espoir ?

Charlotte de Turckheim : Ce que je trouve de vraiment merveilleux dans ce film, c'est qu'il n'y a pas que les fêlés qu'on regarde un peu comme si on était en observateur. On est tous concernés. C'est important de pouvoir se dire : "Eh bien moi, si un jour je vis un épisode où ça ne va pas, je vais être compris, je vais être pris en charge, je vais être accompagné". Après, il faut faire attention parce que les gens qui ont de vraies maladies psychiatriques très intenses et lourdes, il faut les traiter autrement.

Il y a une transmission générationnelle à travers ce film. J'ai l'impression que ça fait quand même beaucoup écho à votre propre histoire. Le fait d'avoir des gens qui sont de catégories socioprofessionnelles ou socioculturelles différentes et qui finissent par se rencontrer.

C'est ça le monde du spectacle. Moi j'ai comme voisins et amis, Jamel Debbouze et Mélissa Theuriau. Comment voulez-vous que moi, sortie du 16ᵉ arrondissement, je puisse rencontrer Jamel qui vivait à Trappes ? Je trouve que c'est vraiment la force de notre métier, ce sont ces échanges, le fait qu'on n'est pas dans le jugement, qu'on est tous finalement des dissidents à notre propre milieu d'origine pour se retrouver dans une espèce de grand melting-pot de gens qui viennent d'univers différents. 

Je me suis demandé ce qui vous avait donné envie de devenir actrice.

"Je voulais surtout échapper à la vie qui était toute tracée pour moi et faire des trucs plus aventureux, plus rigolos."

Charlotte de Turckheim

à franceinfo

Moi, je n'étais pas du tout partie pour faire ça. C'est en allant voir un copain qui était dans un cours de théâtre, au cours Simon. Rosine Margat qui était la directrice de cette école, peut-être en me voyant venir presque tous les jours, m'a demandée : "Qu'est-ce que tu fais là ? Tu veux être actrice ?" Non, je ne veux pas être actrice ! Elle me dit : "Monte sur scène et dis-moi cette fable de La Fontaine". Je la lis et elle me dit : "Bah écoute, tu as raison de ne pas vouloir être actrice parce que tu es ennuyeuse comme un bonnet de nuit". Je pense qu'elle a dit ça exprès pour me piquer. Je suis redescendue de la scène et je me suis dit : "Ennuyeuse comme un bonnet de nuit, moi, elle va voir ce qu'elle va voir !" Évidemment, après j'ai passé une autre scène. Je ne peux même pas vous dire que j'ai pris la décision, ça s'est fait ainsi, au jour le jour et trois ans après, on monte une troupe, etc.

L'amour et la famille ont toujours été au cœur de votre vie. Votre père, est touché par Mai 68. Il a 40 ans, il divorce et part en Afghanistan avec sa nouvelle femme. Puis revient au bercail.

Et comme par hasard, à 50 ans, j'épouse un Afghan quand même ! En fait, mon père, après nous avoir élevés d'une manière extrêmement conventionnelle, classique et bourgeoise, du jour au lendemain, il nous dit : "Non, je me suis trompé, faite ce que vous voulez, va, vis et deviens et on s'émancipe. Et d'ailleurs, je pars avec ma maîtresse". Donc il se met des bandanas dans les cheveux, des vestes roses et il part en Afghanistan. À la fois, c'est très compliqué à gérer pour nous parce qu'on est complètement déstabilisés et en même temps, c'est une ouverture sur le monde incroyable parce qu'il nous dit : "Allez vivre votre vie et n'ayons pas peur des autres, n'ayons pas peur des étrangers". Et cela a été une leçon d'ouverture extraordinaire.

Fêlés, parle aussi de la solitude. N'est-ce pas la plus grande force du film ?

L'isolement, c'est terrifiant. Soi-même, on le sent.

"Quand on traverse des moments difficiles, on a tous tendance au repli. Quand on vient vous chercher, qu'on vous tend la main, tout de suite, on se rend compte que ça fait du bien."

Charlotte de Turckheim

à franceinfo

Il y a un amour particulier pour le théâtre, de monter sur scène.

S'il y a un truc, c'est le théâtre. Enfin, c'est plus précis que ça, c'est fait rire les gens. Pour moi, c'est un bonheur intense quand je vois les gens qui se tapent sur les cuisses, qui rient, qui viennent me voir après en me disant : "Oh, je passe un sale moment en ce moment, mais qu'est-ce que je me suis marré". Je ne sais pas ce que j'ai, avec le fait de faire rire les gens, mais même en famille, avec mes filles, c'est une espèce de besoin irrépressible de faire le clown, de faire l'andouille, de transformer aussi la tristesse en joie, le drame en rigolade. Je ne sais pas pourquoi j'ai ça en moi, c'est un don du ciel, je crois. C'est vraiment un don.

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