"Une maladie c'est une aventure" : les confidences de Clémentine Célarié dans son livre "Les mots défendus"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne Clémentine Célarié. Elle publie "Les mots défendus" aux éditions Albin Michel et joue actuellement au théâtre des Mathurins "Une vie", adaptée du livre de Guy de Maupassant.
Clémentine Célarié est actrice, réalisatrice, metteuse en scène, animatrice radio et chanteuse. Révélée dans le film 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix, elle a depuis tourné avec les plus grands réalisateurs tels que Claude Sautet, Gérard Oury, Pierre Jolivet, Claude Lelouch. Le théâtre fait aussi partie intégrante de sa vie.
Elle publie Les mots défendus aux éditions Albin Michel et est actuellement sur la scène du théâtre des Mathurins pour la pièce Une vie, adaptée du roman de Guy de Maupassant.
franceinfo : Vous venez de signer Les mots défendus soit le regard d'une survivante et une main tendue destinée à toutes celles et ceux qui sont touchés de près ou de loin par une maladie comme le cancer. Ça a été votre cas d'ailleurs. Ce livre est un besoin de raconter, d'aider, de partager ?
Clémentine Célarié : Si vous êtes à une bouffe avec des potes ou n'importe où et qu'on vous demande : "Alors comment vas-tu ?", on ne va pas dire : "Bah, j'ai eu un cancer. J'ai fait six mois de chimio, mais là, ça va super !" Il y a des trucs qu'on ne peut pas dire. Ça, ce n'est pas juste. Avant de venir vous voir, je me disais que ma pire crainte, c'est que les gens, quand ils sauront ça, me regardent un peu d'un air apitoyé. Il faut que les gens sachent que moi, j'ai beaucoup de chance. Eux, n'ont pas eu la chance d'avoir cette aventure. C'est une aventure, une maladie. Ce n'est pas 'oh mon Dieu, elle va mourir !' Vous voyez, je ne suis pas morte et je ne compte pas mourir tout de suite.
"Ce n'est pas une condamnation d'être malade, c'est une épreuve qui vous est donnée et une épreuve vous grandit, elle ne vous amoindrit pas."
Clémentine Célariéà franceinfo
Dans ce livre, vous racontez votre expérience de ce cancer du côlon, diagnostiqué en novembre 2019. Vous dites que vous avez décroché le pompon. Vous avez eu peur ?
Ça m'a fait rigoler. Je me suis dit bon, d'accord... Mais jamais je ne me suis sentie condamnée. Je n'ai pas eu peur. Quelquefois, je suis très triste. Et ce dont je parle dans mon livre, c'est plutôt la lumière que ça m'a apporté. Et la libération. J'ai eu besoin de parler au public parce qu'il y a des moments de solitude, c'est peut-être la solitude qui m'a attaquée quelquefois, pas la peur.
La solitude m'a donné envie pendant ces mois, où vous êtes comme une sorte de cachalot échoué, de parler à quelqu'un et la première personne à laquelle j'avais envie de parler, c'était au public, à la personne que je croise, qui m'accompagne depuis des années...
Vous dites que ce livre est "un café que vous ne boirez jamais avec ce public".
Oui, quand vous vivez cette solitude, une solitude qui est choisie aussi, ce n'est pas une solitude que je subis, mais il y a une solitude que je vis de par ce métier, qui me mange et que je mange. On se nourrit et c'est une passion absolue, je n'ai pas beaucoup de place pour autre chose. Alors, on fait des "bords de scène" en ce moment avec le public, après le spectacle. Parce que je trouve que c'est chouette de se réjouir de nos retrouvailles au théâtre et c'est vrai que j'appréhende, mais je veux qu'on parle de ça pour que ça se banalise. Je sais qu'il y a des gens qui ne veulent pas parler de leur cancer, mais moi, je veux parler de ce que ça apporte.
"C'est comme un tremblement de terre, ce genre de maladie. Quand on en ressort, il faut pouvoir raconter ce qu'on a vécu parce que c'est une expérience de vie."
Clémentine Célariéà franceinfo
Vous parlez beaucoup du théâtre aussi dans cet ouvrage, vous dites que ça vous fait vivre. Ça vous fait tenir. C'est votre vie, le théâtre ?
Ma vie, c'est de travailler à construire un autre univers, un autre monde, un autre instant. Et le théâtre, pour moi, c'est un instant où, en fait, on est en dehors de la réalité. J'ai beaucoup de mal à vivre dans la réalité. Et d'ailleurs, si on n'a pas notre petit monde, pour moi, c'est terrible. On est creux, on est vide et on n'est pas fort.
Je voulais justement que vous me racontiez comment vous étiez petite fille. Vous gardez votre âme d'enfant ?
C'est la base. J'ai 64 ans et j'ai une petite-fille. Je suis contente parce que je retrouve mon enfance à travers elle. Ce n'est pas parce qu'on devient adulte qu'on doit quitter son enfant, surtout pas ! C'est peut-être l'enfance que j'ai, que j'aurai toute ma vie, qui a fait que j'ai pu bien me battre contre ce cancer.
"Moi, je n'ai jamais voulu quitter mon enfance."
Clémentine Célariéà franceinfo
On se construit avec nos épreuves et on est plus riches, plus forts et on se construit avec tous nos petits mondes, tous nos petits cow-boys, tous nos petits Indiens, tous nos jeux, toutes nos croyances.
Vous dites : "J'ai cisaillé la chaîne qui me retenait à une ancre invisible. Ce poids rivé aux tripes qui me rappelle sans cesse que le danger peut revenir. C'est fini. Aujourd'hui, je veux accueillir le bonheur, me foutre à poil, m'offrir à lui". C'est quoi le bonheur ?
C'est de faire quelque chose du rien. Pour moi, c'est un bonheur de pouvoir parler de ça, mais accepter le bonheur après ça, ça, c'est aussi compliqué.
Ce sont des larmes de peur et de joie, en quelque sorte ?
Oui. On se défend, on se défend, on s'arme tout seul et puis après, on se dit que "Merde, si on a un grand bonheur, qu'est-ce qui se cache derrière ?" Il faut se détendre aussi. Mais j'ai le rhume des foins, je n'ai pas du tout pleuré !
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