Au Zimbabwe, un journal aux ordres sous la dictature de Mugabe apprend la liberté de la presse
Tous les jours, Marie Colmant revient sur un sujet passé (presque) inaperçu : lundi, les journalistes de l'un des quotidiens de Harare, "The Herald", qui pour la première fois depuis 37 ans peuvent écrire ce qu'ils veulent.
Depuis la chute de Robert Mugabe, le plus grand journal du Zimbabwe est libre d’écrire ce qu’il veut, après trente sept ans de censure. Et ce n’est pas aussi facile que l’on croit de se libérer de 37 ans de censure gouvernementale, puisque The Herald appartenait au gouvernement. C’était le journal de Robert Mugabe, celui qui a suivi ses moindres faits et gestes pendant tout ce temps, mais toujours avec un maximum de déférence.
Il y a deux semaines encore, le The Herald titrait : "Robert Mugabe mérite le prix Nobel de la Paix" suivi d’un éditorial magnifique sur la figure d’exception qu’était le président. Ce n’était pas forcément ce que pensaient les journalistes qui écrivaient, loin s’en faut, mais c’était la condition pour travailler dans ce journal, la garantie de gagner sa vie correctement, ce qui n’est pas rien dans un pays miné par le chomage.
Une bouffée soudaine de liberté
Et puis soudainement, dans les heures qui ont suivi le coup d’Etat et la mise à l’écart du vieux leader, les journalistes se sont retrouvés en conférence de rédaction, libres d’écrire ce qu’ils voulaient. Libres de soutenir le nouveau président, ou l’armée ou le parti, ou aucun des trois.
Die Lage in #Simbabwe nach dem Putsch: Gehen Sie weiter, es gibt hier nichts zu sehen. pic.twitter.com/he9aNOAZnI
— Bernd Dörries (@BerndDoerries) 16 novembre 2017
Au lendemain du coup d’état militaire, The Herald joue la sécurité et titre, "Au Zimbabwe, tout va bien, comme d’habitude", qu’on peut lire comme un nouveau cynisme. Mais le tension monte dans la rédaction, parmi des journalistes frustrés de n’avoir pu faire leurs boulot correctement depuis tant d’années. Ils décident alors de couvrir les manifestations, d’y envoyer des reporters et des photographes, pour raconter ce qui se passe.
Un journaliste, dépêché au parlement, couvre avec stupeur la lecture de la lettre de démission de Robert Mugabe. Mine de rien, c’est un tremblement de terre. Ils titrent, quelques jours plus tard, "Bye bye, camarade Président." Et soudain, l’impensable se produit, le journal double, triple ses tirages, tant ce peuple est assoiffé d’informations.
Rien ne dit aujourd’hui que cette belle liberté va durer, il faut rappeler que le nouveau président Emmanuel Nangagwa était le numéro 2 de Mugabe quand celui-ci était au pouvoir. Mais après une telle bouffée de liberté, un retour en arrière sera difficile.
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