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À Hong Kong, une chape de silence sur les militants anti-Pékin

À Hong Kong, une chape de plomb s'abat sur les partisans de la démocratie qui s'opposent aux autorités de Pékin et à la reprise en main de leur territoire. Le processus de confiscation de la liberté d’expression monte en puissance.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le magnat des médias Jimmy Lai encadré par des policiers le 12 décembre 2020, après son arrestation à Hong Kong (MIGUEL CANDELA / EPA)

Dernier exemple en date : une prestation de serment imposée aux fonctionnaires. Ils sont une trentaine, debout, impeccablement alignés les uns à côté des autres, et main droite levée, ils jurent loyauté à leur gouvernement, qui est le prolongement de l'autorité de Pékin. Le tout sous l'oeil attentif de la chef de l'exécutif local, Carrie Lam.

Cette scène a eu lieu ce mercredi 16 décembre, à huis clos, filmée uniquement par des caméras officielles qui ont diffusé les images après coup. Elle dit tout de cette reprise en main par la Chine, qui veut notamment s'assurer de la fidélité de son administration.

Car dans les semaines qui viennent, au-delà de cette première symbolique, c'est l'ensemble de la fonction publique hongkongaise, soit 180 000 personnes, qui va devoir prêter serment. Ceux qui refusent, dit le gouvernement, prennent le risque de perdre leur emploi.

Le message est clair : tolérance zéro, on ne peut pas à la fois travailler pour les autorités et les critiquer. Les fonctionnaires qui avaient massivement soutenu le mouvement de protestations l'an dernier sont brutalement remis au pas. 

Mouvement de contestation à l'arrêt

Le mouvement de contestation est lui complètement à l'arrêt. Pourtant, il y a encore un an, le 8 décembre 2019, des centaines de milliers de personnes descendaient une fois de plus dans les rues pour défendre l'autonomie de leur territoire, réclamer des réformes démocratiques et protester contre la violence de la répression policière. La mobilisation a duré plusieurs mois, elle a été exceptionnelle, ardente, violente parfois, sans précédent en tout cas depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997.

Aujourd'hui, ce mouvement est réduit au silence. Il y a eu les interdictions de rassemblements liées au coronavirus, une loi draconienne sur la sécurité nationale imposée en juin, des députés pro-démocratie révoqués d'un revers de main, plus de dix mille personnes arrêtées, dont au début du mois le puissant patron de presse Jimmy Lai, 72 ans, très critique face aux abus du parti communiste.

Plus de 2 300 personnes font l'objet de poursuites judiciaires : élus, opposants issus d'une jeunesse en rupture avec Pékin, mais surtout beaucoup d'anonymes - qui attendent toujours leur procès en cellule. Depuis quelques semaines, les sentences tombent les unes après les autres, souvent très lourdes, même pour des actions non-violentes. Les principales figures de la contestation comme Joshua Wong ont été condamnées à de la prison ferme.

Ce jeudi 17 décembre, huit militants pro-démocratie hongkongais ont été inculpés de "participation à un rassemblement illégal" pour avoir manifesté le 1er juillet, au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité imposée par Pékin. Parmi eux, un homme connu sous le nom de "Longhair", l'ancien chef du parti pro-démocratie Wu Chi-wai.

Tout cela a complètement étouffé la rébellion et le pouvoir central de Pékin, qui a réussi à ne faire aucune concession aux manifestants, s'est engagé dans un processus de confiscation de la liberté d’expression qui monte en puissance.

Cinq passeports par minute

La conséquence, c'est qu'il y a de plus en plus de candidats à l'exil : rien qu'en octobre, 60 000 habitants de Hong Kong ont demandé un passeport britannique d'outre-mer. Plus de 200 000 depuis le début de l'année ! Cela veut dire cinq passeports par minute pour les employés du bureau de l'immigration à Londres, selon l'agence Bloomberg qui a fait les comptes.

Cet été le Royaume-Uni a rendu plus facile l'accès à la citoyenneté pour les résidents de son ancienne colonie ; les autorités estiment que près de 300 000 personnes au total pourraient en profiter, fuir la répression et s'installer de l'autre-côté de la Manche dans les cinq ans qui viennent.

Même les agences immobilières n'ont jamais eu autant de demandes de la part de leur clientèle hong-kongaise ! Pékin parle "d'ingérence" dans ses affaires intérieures et demande aux magistrats de refuser désormais les remises en liberté sous caution.

En hors-bord vers Taïwan

D'autres regardent vers Taïwan, avec plus ou moins de réussite. En août, 12 Hongkongais ont été arrêtés par des garde-côtes chinois alors qu’ils tentaient de rejoindre l’île nationaliste en hors-bord. Ils sont emprisonnés depuis à Shenzhen, ville chinoise limitrophe de Hong Kong. Des faits qui rappellent douloureusement "les images des Européens de l’Est arrêtés lorsqu’ils tentaient de franchir le rideau de fer", dit un article de l'Asian Sentinel publié cette semaine.

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