Affaire Djokovic : toute la Serbie derrière son champion
La justice australienne a libéré Novak Djokovic du centre de rétention dans lequel le numéro 1 mondial était placé pour cause de non-vaccination contre le Covid-19. Mais le gouvernement peut encore ordonner son expulsion. La Serbie fait bloc derrière son champion.
En Serbie, l'affaire Djokovic est devenue une affaire nationale. On ne touche pas au héros ! Pour les tabloïds, son séjour dans un hôtel australien miteux où sont retenus des migrants s'apparente à de la "torture". Les réseaux sociaux débordent de messages de soutien. Des rassemblements s'organisent à Melbourne comme à Belgrade. Sa mère s'indigne, son père – habitué aux déclaratoins tonitruantes –assure qu'il est "crucifié" comme Jésus-Christ.
Les partisans de Novak Djokovic protestent contre le gouvernement australien devant le parlement serbe à Belgrade. ⚡️ pic.twitter.com/AHHX3pBRLV
— KARIM (@KARIMAMARKHODJ1) January 7, 2022
S'en prendre à "Djoko", c'est s'attaquer à sept millions d'habitants et raviver un ancien et tenace sentiment de persécution. Dès mercredi 5 janvier, sur Instagram, le président Aleksandar Vucic accuse l'Australie de "mauvais traitements". L'homme fort de Belgrade assure aussi que "toute la Serbie est avec lui" et dénonce une "chasse politique". Le ministre des Affaires étrangères de son côté demande "sa libération". À quelques détails près on le prendrait presque pour un otage politique.
Même le chef de l'Église orthodoxe serbe s'est ouvertement rangé de son côté évoquant dans un discours samedi 8 janvier : "celui qui est détenu" "parce qu'il voulait et parce qu'il veut sa liberté".
Open d'Australie : Aleksandar Vucic: "La Serbie va se battra pour Djoko" #AusOpen #AO2022 #Vucic #Djokovic #Novak #Covid https://t.co/oOx4ZnLcTu
— TennisActu (@TennisActu) January 6, 2022
Rares sont ceux qui lui reprochent de ne pas être vacciné. Son père le dépeint même comme "un symbole et un leader du monde libre", en "Spartacus du nouveau monde qui ne tolère pas l'injustice, le colonialisme et l'hypocrisie". "Novax" comme l'ont surnommé les médias, n'a jamais fait mystère de son scepticisme.
Son surnom : "Novax Djocovid"
À l'été 2020, le joueur fait pourtant don d'un million d'euros à la Serbie pour acheter des respirateurs artificiels, mais en même temps il rend visite, sur les pyramides de Visoko, à un prédicateur complotiste qui soutient aujourd'hui les antivax. L'homme, très controversé, fait la promotion du site naturel et de ses "tunnels énergétiques". Djoko vient s'y ressourcer après sa défaite en finale de Roland-Garros face à l'Espagnol Rafael Nadal et vante ses effets "bénéfiques".
En matière de sciences, ses propos sont parfois étonnants, comme lors d'un live sur Instagram en 2020 : "J'ai vu et je connais des gens qui, grâce à cette énergie, grâce aux pouvoirs de la prière et de la reconnaissance, ont réussi à transformer la plus toxique des nourritures, ou même la plus polluée des eaux, en l'eau la plus pure. Parce que l'eau réagit à nos émotions."
Let's not lose sight of how wildly anti-science Djokovic has publicly been for years.
— Ben Rothenberg (@BenRothenberg) January 5, 2022
Here he was last year preaching about how you can change water with emotion.
Naive, but maybe these real consequences today can be a reality check for his nonsense?pic.twitter.com/LyJbJTvb9W
Un an plus tard, il juge "extrêmes" les mesures sanitaires mises en place pour l'US Open, à New York. En novembre 2021 il le redit au Masters de Turin: '"On devrait avoir la liberté de choisir (...) de décider de ce qu'on veut s'injecter dans le corps."
Très détendu aussi avec les gestes barrières, Djoko : sur des vidéos tournées les 16 et 17 décembre 2021 à Belgrade – soit le jour et le lendemain de son test positif au Covid-19 – on le voit assister sans masque à des événements publics. Lors d’une cérémonie en l’honneur de jeunes joueurs serbes, il est entouré d’une vingtaine d’adolescents. La polémique n'a pas entamé sa popularité.
47% des Serbes vaccinés
D'ailleurs en Serbie les anti-vax sont nombreux et le taux de vaccination est au plus bas. 47% seulement des Serbes sont entièrement vaccinés, pas parce qu'ils manquent de vaccins, mais par défiance. La campagne a pourtant démarré en fanfare, grâce aux vaccins russes et chinois, puis elle a marqué le pas.
Dans les Balkans, plusieurs études relèvent le lien entre ces faibles chiffres et la circulation des théories conspirationnistes, très présentes et relayées par les médias traditionnels. En Serbie, les principales chaînes de télé, proches du gouvernement, ont par exemple donné la parole à des experts expliquant que le Covid-19 était "une arme biologique". De peur de perdre le soutien de l’extrême droite, massivement opposée à la vaccination, le gouvernement n'a rien fait pour rectifier le tir.
Dans ce contexte on comprend que l'attitude de "Djocovid" suscite plus d'adhésion que de rejet. Tout le contraire de ce qu'il vit souvent sur les courts...
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