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Attentat de Nice : l'ombre des jihadistes tunisiens

L’homme qui a tué trois personne à Nice est un Tunisien de 21 ans, arrivé en France début octobre après être passé par l'île de Lampedusa. La Tunisie condamne.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des policiers municipaux bloquent l'accès aux abords de la basilique Notre-Dame de Nice, le 29 octobre 2020. (VALERY HACHE / AFP)

Si ses motivations sont encore inconnues, son parcours est très vite retracé par les enquêteurs : le 20 septembre, Brahim I. fait partie des migrants qui débarquent sur le rivage de Lampedusa. Ce jour-là, une vingtaine de bateaux réussissent la traversée de la Méditerranée.
Le jeune Tunisien, issu d'une famille nombreuse et modeste de Sfax (centre de la Tunisie), est rapidement transféré sur un navire de quarantaine. Puis, le 9 octobre, il débarque dans la ville de Bari (Pouilles) où il rejoint le centre pour migrants de la Croix-Rouge. Il y est enregistré, photographié. Puis il sort avec un ordre d'expulsion du territoire italien et rejoint clandestinement la France.

Sa trace est alors perdue jusqu'au mercredi, quand il appelle son frère Yassine, resté à Sfax. "Il est arrivé en France (mercredi) aux alentours de 20h00. Il a dit qu'il allait en France car pour le travail c'est mieux", racontera plus tard Yassine à l'AFP, incapable de comprendre la dérive de ce frère qu'il avait vu se tourner vers la religion depuis environ deux ans, après avoir lancé un petit débit d'essence informel.

Même s'il avait été arrêté pour une affaire d'agression au couteau il y a quatre ans, quand il était encore adolescent, Brahim ne figurait pas au fichier des personnes radicalisées pour jihadisme ni en Tunisie ni en France, selon les polices
des deux pays. A-t-il agi seul ? L'enquête devra le déterminer.

La Tunisie ouvre une enquête

Très vite jeudi soir, la Tunisie ouvre une information judiciaire. Le ministère des affaires étrangères condamne l'événement, dit sa "solidarité avec le gouvernement et le peuple français" et met en garde contre « l’exploitation idéologique et politique des religions ».

Le communiqué insiste sur la nécessité de conjuguer les efforts internationaux pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent qui menacent la paix et la stabilité dans le monde.

Après la révolution de 2011, le pays a été confronté à un essor de la mouvance jihadistes. Plusieurs milliers de Tunisiens rejoignent les rangs de l'Etat islamique en Irak, en Syrie ou en Libye. Ils représentent alors le plus gros contingent de combattants étrangers, 3000 à 6000 individus selon les enquêtes.

Certains sont revenus de ce théâtre de guerre pour commettre des attentats en Europe (c'était le cas notamment de l'auteur présumé de l'attaque du marché de Noël de Berlin en 2016) ou dans leur propre pays.

Première victime du terrorisme islamiste

Depuis une attaque suicide en plein centre de Tunis en 2015, revendiquée par l'organisation Etat islamique, le pays est sous état d'urgence. D'autres attentats ont fait plusieurs dizaines de morts, en 2016, en 2019 : des soldats et des policiers, mais aussi de nombreux civils et des touristes étrangers.
La situation sécuritaire s'est progressivement améliorée, mais les groupes extrémistes n'ont pas disparu. Même si, selon les diplomates, les attaques jihadistes de ces dernières années dans le pays ont été davantage le fait de personnes radicalisées sur internet que dans les mosquées.

Les islamistes restent puissants dans le pays, y compris en politique. 
Samedi dernier un député a justifié l'assassinat de Samuel Patty en expliquant que l'atteinte au prophète musulman était le "plus grand des crimes". Député élu sous la bannière du mouvement islamiste Karama, membre de la coalition gouvernementale.

Une quarantaine d'intellectuels avaient alors lancé une petition pour dénoncer une apologie du terrorisme, demander la levée d'immunité pour qu'il soit traduit en justice. Sans succès jusqu'ici.

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