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Canada, Etats-Unis, Chili... la revanche des femmes autochtones

Cette semaine, deux femmes autochtones ont accédé à des postes prestigieux au Canada et au Chili. Dans la lignée de ce qui se passe aux États-Unis, on observe un réveil de ces communautés sur le continent américain.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Mary Simon, gouverneure générale du Canada à Gatineau (Canada), le 6 juillet 2021. Première femme autochtone à ce poste. (SEAN KILPATRICK / MAXPPP)

Le Canada est secoué depuis plusieurs mois par le scandale des pensionnats d'autochtones. Pour apaiser les esprits, le gouvernement a nommé cette semaine une femme autochtone à un poste très prestigieux. Mary Simon, 73 ans, longs cheveux gris, va devenir la gouverneure générale du Canada. C'est-à-dire la représentante de la reine Elizabeth II, officiellement cheffe d'État du pays. C'est un poste symbolique, ses fonctions seront largement protocolaires, mais elle sera très exposée. C'est elle qui promulguera officiellement les lois. Mary Simon, Inuit originaire du Nunavik (nord du Québec), s'est faite connaître dans les années 80, en dénonçant la pollution de l'Arctique et les forages pétroliers. C'est la première femme autochtone à accéder au poste de gouverneure générale du Canada.

Au-delà du symbole, cette nomination est importante. Elle est une tentative du pouvoir d'apaiser les consciences. "Étant donné le passif entre le Canada et les autochtones, il fallait nommer quelqu’un originaire de la communauté parce sinon, on aurait eu le sentiment que ce sont encore les Blancs qui allaient régler les affaires", analyse Anne Pastor, journaliste et auteure de la plateforme Les voix des femmes autochtones

Le rappel d'un passé douloureux

Le Canada fait face en ce moment à sa douloureuse histoire avec les autochtones. Pendant des décennies, jusqu’en 1996, des dizaines de milliers d'enfants Amérindiens, métis et Inuits ont été enrôlés de force dans des pensionnats et maltraités. "On leur lavait la peau à l’eau de Javel, ils avaient interdiction de parler leur langue. J’ai accompagné une des femmes dans son ancien pensionnat et lorsque nous sommes passées devant la chaufferie, et elle s’est sentie très mal parce que c’est dans la chaufferie que les enfants étaient violentés tous les soirs", raconte Annie Pastor dans son documentaire Enfants de la honte, voyage en terre indigène.

La découverte de milliers de tombes près de ces établissements fin mai et fin juin,  a rappelé à tous les Canadiens ce terrible héritage. Le Premier ministre Justin Trudeau en a fait une priorité de son mandat et en nommant Mary Simon, il le montre et avoue la culpabilité du Canada, même si les pensionnats était gérés par l'Église. Au moins 4 000 sont morts dans ces pensionnats.

Le Canada a une "telle dose de culpabilité qu’il essaye de se donner bonne conscience et tente de réparer ces siècles de colonisation", estime Anne Pastor. Cette nomination permet "d’entrer dans une phase de dialogue". Mary Simon quant à elle estime que cette "nomination marque un pas important vers le long chemin de la réconciliation." Un dialogue indispensable car au Canada, "les autochtones vivent toujours sous le régime de l’Indian Act et sont considérés comme mineurs juridiquement et n’ont pas les mêmes droits", rappelle Anne Pastor.

Elisa Loncon au Chili, Deb Haaland aux Etats-Unis

Mary Simon n'est pas la seule femme indigène à accéder à un poste prestigieux récemment. Au Chili, une femme autochtone a été élue cette semaine "présidente de l'Assemblée constituante" chargée de rédiger la nouvelle Constitution. Elisa Loncon, une indigène mapuche élue pour représenter la diversité du Chili. "Cette élection à la tête de l'assemblée constituante chilienne, est hautement symbolique, note France CultureL'un des débats de la nouvelle constitution chilienne porte sur la reconnaissance des peuples autochtones, car le Chili est avec l'Uruguay l'un des rares pays d'Amérique latine qui ne les reconnait pas. Or reconnaitre le droit des autochtones et créer un Etat chilien plurinational est l'un des thèmes fondamentaux de la convention qui commence pour plancher sur une nouvelle Constitution."

Aux États-Unis, Deb Haalland, est devenue cette année la première Amérindienne à occuper un poste de ministre. Elle est secrétaire à l'Intérieur, nommée par Joe Biden, chargée de superviser l’exploitation des ressources naturelles, des parcs nationaux et d’une partie des questions de protection de l’environnement.

Sur le continent américain, on sent un réveil des indigènes. Il faut dire que ces communautés se battent depuis très longtemps pour des valeurs qui commencent à être vraiment écoutées dans nos sociétés : la place des femmes, la protection de l'environnement. Elles sont proactives dans "l’extractivisme", rappelle Anne Pastor,  "elles ont dénoncé la pollution des eaux, les maladies respiratoires et les cancers" liés aux questions environnementales. Chez les autochtones, ce sont les femmes qui gèrent les ressources naturelles et sont en premières lignes. Aujourd'hui, elles font aussi de longues études. Elisa Loncon a trois doctorats. Elles ont compris que pour être entendu, leur combat devait se déplacer sur le terrain juridique, technique et médiatique. C'est la revanche des femmes autochtones.

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