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Chine : l'éviction surréaliste de l'ancien président Hu Jintao du Congrès du PC, métaphore de la toute-puissance de Xi Jinping

Scène étonnante au Congrès du Parti communiste chinois samedi 22 octobre. Est-ce un geste de soutien à un vieil homme malade ou une éviction politique en forme d'avertissement ? L'expulsion de l'ancien président Hu Jintao de la cérémonie de clôture suscite un flot de spéculations.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'ancien président Hu Jintao fermement conduit vers la sortie du Congrès du Parti communiste chinois, le 22 octobre 2022 à Pékin. Il s'adresse à l'actuel président Xi Jinping. (NOEL CELIS / AFP)

Dans ce decorum chorégraphié au millimètre qu'est le congrès du Parti communiste chinois (PCC), où rien d'imprévisible n'arrive jamais, cette scène est assez surréaliste, samedi 22 octobre. Imaginez dans l'immense Palais du Peuple de Pékin, une longue tribune rouge vif où s'alignent des délégués bien disciplinés. Au centre, Xi Jinping, le tout puissant, qui s'apprête à être de nouveau porté à la tête du parti. À sa gauche, Hu Jintao, celui qui a présidé le pays juste avant lui, jusqu'en 2013, période d'une Chine ouverte et réformatrice. Aujourd'hui il se tient voûté, l'air hagard, confus, c'est un très vieux monsieur de 79 ans à la silhouette frêle qui semble complètement dépassé par les événements. Tout à coup, deux employés surgissent et l'invitent poliment mais fermement à se lever pour quitter la salle. L'un d'entre eux tente de le prendre par le coude, puis de le soulever par les aisselles. On voit bien que Hu Jintao n'a aucune envie d'obtempérer. Il finit par être escorté vers la sortie.

Plus tard, les médias d'État diront qu'il "ne se sentait pas bien", qu'il avait eu "un malaise". Mais le malaise, il saisit surtout ceux qui assistent à la scène, notamment les journalistes étrangers qui viennent tout juste de rentrer dans la salle.
Cet épisode inhabituel déclenche un torrent de spéculations, d'autant qu'il n'est pas commenté par les autorités et que les moteurs de recherche chinois censurent toute requête sur l'événement et sur Hu Jintao.

Une éviction en forme d'avertissement politique ? C'est l'une des hypothèses. Une purge, une humiliation publique, un avertissement pour tous ceux qui oseraient contester le sacre de Xi Jinping, à l'intérieur ou en-dehors du parti. Hu Jintao aurait notamment exprimé des réserves sur le remaniement du Comité central, un organe que l'actuel dirigeant a entièrement façonné à sa main : il y a promu tous ses fidèles pour remplacer des personnalités jugée trop réformatrices, et trop proches de Hu Jintao, qui pendant son mandat s'est montré particulièrement tolérant à l'égard des différentes factions du parti. Un pluralisme désormais impensable. Parmi les promus, le maire de Shanghai, Li Qiang, pourtant très contesté pour sa gestion draconienne du Covid... Leur allégeance comptant visiblement plus que leur compétence

Xi Jinping a beau être moins populaire qu'il y a quelques années, veut montrer qu'il est commandes et que personne ne peut le contester. D'année en année, il n'y a plus de place pour l'opposition, sa domination sur le Parti est totale et ce congrès lui a servi de vitrine. Il a d'ailleurs fait inscrire dans la charte du PCC "le rôle central du camarade Xi Jinping" – résolution adoptée à l'unanimité. Ce qui veut dire que les 97 millions de membres du PCC ont désormais "le devoir" de défendre son "rôle central".

C'est lui qui désormais concentre toutes les décisions. L'an prochain, a priori en mars, il sera reconfirmé dans ses fonctions de président de la seconde puissance mondiale. Pour ça il a pris soin dès 2018 de modifier la Constitution et de supprimer la limite de deux mandats. Potentiellement il peut s'offrir une présidence à vie et poursuivre son objectif : face à l’Occident en déclin, faire entrer la Chine dans l'ère de la grande renaissance nationaliste

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