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Comment la perte de poids de Kim Jong-Un sert le régime nord-coréen

En Corée du nord, beaucoup de mystères entourent le dirigeant Kim Jong-Un et depuis quelques semaines, son état de santé suscite des débats autour cette fois-ci de son poids.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le dirigeant de la Corée du Nord Kim Jong-Un le 29 juin 2021. (STR / KCNA VIA KNS)


Kim Jong-Un a trop maigri. Si les observateurs se sont souvent inquiétés de son obésité et du nombre de cigarettes qu'il fume, là c'est sa perte de poids qui fait parler. Mais pas qu'à l'étranger – et c'est là que la situation devient inédite. La télévision d'État a diffusé un reportage la semaine dernière très inhabituel. Sur une musique militaire, on voit Kim Jong-Un participer à la réunion plénière du Comité central, visiblement émacié, un peu de ventre en moins, et un visage légèrement moins rond.

Quand soudain, un homme au chapeau de paille, un habitant de Pyongyang, apparaît devant la caméra. "Voir notre respectable secrétaire général amaigri est ce qui brise le plus le cœur de notre peuple", dit l'homme. Il faut savoir qu'en Corée du nord, perdre du poids n'est pas positif, c'est l'embonpoint qui est bien vu. Ce commentaire est surprenant car dans ce régime autoritaire, évoquer la vie privée de Kim Jong-Un ou son état de santé sont interdits.

Pourquoi les autorités ont accepté de mettre en scène cet homme au chapeau de paille ? Le régime de Pyongyang cherche à utiliser cette perte de poids pour renforcer la fidélité au leader. Plutôt que de laisser les habitants spéculer et pour couper court aux rumeurs internationales, les autorités se sont servies de cette nouvelle, très visible, pour glorifier Kim Jong-Un. S'il a perdu des kilos, environ 10 kg selon les spécialistes, c'est qu'il est un "travailleur dévoué" qui travaille tellement dur pour son peuple qu'il doit "sauter des repas". Pour Antoine Bondaz, chercheur français à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Corée du nord, si les autorités ont accepté de diffuser un tel message, c’est aussi pour montrer que le peuple est  : "personnellement attaché" au dirigeant. Pour Antoine Bondaz, "ce n'est pas parce qu'il manque de nourriture que Kim Jong-Un a maigri. Si c'était le cas, le régime ne diffuserait pas d'images."

En vérité, on ne sait pas pourquoi il a maigri : a-t-il décidé de perdre du poids ? Est-il malade ? Si c'était le cas, le régime ne le dirait évidemment pas. L'opacité sur l'état de santé des dirigeants nord-coréens a toujours été absolue.

De nouvelles restrictions sont à craindre

Ces images sous-entendent un message : la situation alimentaire, déjà tendue à cause des typhons qui ont ravagé les champs de céréales l’année dernière, pourrait encore s'aggraver. À cause du Covid, les frontières nord-coréennes sont fermées depuis janvier 2020 et le pays est très dépendant des exportations de son voisin chinois, notamment des céréales, des engrais et des pièces détachées. Avec ces images, le régime chuchote peut-être aux Nord-coréens qu'il va falloir faire face à plus de restrictions et faire plus d'effort. Parce que même le dirigeant, "grand soleil du XXIe siècle", un de ses titres ronflants a fait des compromis.

Dans ce contexte ce qui inquiètent surtout les spécialistes, c’est que si la situation s’aggrave, personne ne pourra en témoigner sur place, ni aider la population. "On manque de visibilité, explique Antoine Bondaz, les diplomates étrangers sont partis depuis la crise de Covid et il n’y a plus aucune ONG résidentes européennes, même la Croix-Rouge internationale est partie." Le spécialiste prévient tout de même,  "la Corée du nord n’est pas dans la situation des années 90" et la grande famine qui a suivi l’effondrement de l’URSS. La "marche forcée", expression utilisée dans le pays pour parler de ces années, avait fait des centaines de milliers de morts. La situation est "plus tendue que d’habitude", mais pas critique.

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