Guerre en Ukraine : qui est le soldat devenu le symbole de la résistance après son exécution par les Russes ?
Les images, qui durent une poignée de secondes, sont bouleversantes. Sur une vidéo devenue virale, on voit un soldat ukrainien, debout, dans une forêt aux arbres dénudés par l'hiver. Silhouette immobile, épaules légèrement voûtées, il se tient devant une espèce de tranchée creusée dans la terre. Il a ouvert son blouson militaire et ne porte ni son casque, ni ses armes, juste une cigarette fine et blanche au coin des lèvres. On l'imagine prisonnier.
Derrière la caméra, un homme - qu'on ne voit pas - dit en russe, "Filme-le". Le soldat enlève sa cigarette, souffle sa fumée et réplique en le fixant bien droit dans les yeux : "Slava Ukraini", "Gloire à l'Ukraine". Une seconde plus tard, il s'écroule sous une rafale d'arme automatique. "Crève, salaud", dit la voix hors champ. Et la vidéo s'arrête.
Exécution d'un homme désarmé
D'après l’armée ukrainienne, ce soldat s'appelle Timofii Mykolayovitch Chadoura, 41 ans, militaire de la 30e brigade mécanisée, mobilisé en décembre et porté disparu depuis le 3 février à Bakhmout, dans le Donbass, où se déroule la bataille la plus longue et la plus sanglante depuis le début de l'invasion russe.
Les russes ont exécuté un soldat ukrainien non armé après qu’il ait dit "Slava Ukraini!". Un crime de guerre odieux.#SlavaUkraini , c'est notre liberté, notre dignité et l'amour pour notre terre. On se bat et on est prêt à mourir pour cela. Et nous allons gagner avec cela ! pic.twitter.com/1E4q8NgaIE
— UA Embassy in France (@UKRinFRA) March 6, 2023
Mais un journaliste spécialisé dans les questions militaires, Iouriy Boutoussov, avance un autre nom : Macievsky Alexander Igorevych, du 163e bataillon de défense territoriale de la ville de Nizhyn. Des doutes subsistent sur son identité. Problème : son corps est en territoire occupé et que tant qu'il ne sera pas rapatrié, on ne saura pas avec certitude qui il est. Quant à la vidéo, des blogueurs ukrainiens affirment l'avoir téléchargée depuis le site de la chaîne russe Rossiya 24, avant qu'elle n'en soit retirée, mais sa date et ses auteurs n'ont pas non plus été identifiés.
Un soldat devenu un symbole
Malgré ces zones de flou, ce soldat est déjà une icône. En quelques heures, grâce à la viralité et à la force de frappe des réseaux sociaux que les Ukrainiens utilisent comme arme de communication massive, son acte de courage a fait le tour du monde. Des artistes se sont même emparés de sa silhouette pour en faire des affiches et des dessins, et des produits dérivés.
La vidéo d'un soldat ukrainien froidement abattu par les troupes russes pour avoir dit #SlavaUkraini fait le tour des réseaux sociaux. Sa mémoire est honorée dans le pays par de nombreux artistes.#HeroyamSlava pic.twitter.com/YwnIYIqAzZ
— UkraineWorld Français (@UkraineWorldFr) March 7, 2023
Les artistes s'étaient déjà emparés des militaires de l’île aux Serpents, qui avaient répondu "Allez vous faire foutre" au navire russe leur demandant de se rendre au premier jour de la guerre ; ou avec les résistants de l’usine Azovstal à Marioupol, ou encore avec ce soldat faisant un doigt d'honneur au Moskva, le vaisseau-amiral russe qui a fini par être coulé en mer Noire et qui figure aujourd'hui sur un timbre officiel.
Un crime de guerre supplémentaire
Ce soldat ordinaire et désarmé de Bakhmout est devenu un héros national et un martyr, victime de ce qui ressemble à un cynique crime de guerre. Le ministre des Affaires étrangères réclame une enquête de la Cour pénale internationale et le président Zelensky exhorte la population à reprendre ce slogan patriotique par lequel il conclut déjà chacun de ses discours.
Alors que l'obstination des autorités militaires à ne pas céder la ville de Bakhmout se paie au prix fort, avec un nombre de morts incalculables, brandir cette icône est aussi aujourd'hui une façon pour Kiev de remobiliser la nation, d'entretenir l'esprit de résistance, et de braquer les projecteurs sur la façon dont on jugera un jour les crimes de guerre. Près de 65.000 cas ont été comptabilisés à ce jour, selon le procureur général d'Ukraine, Andriy Kostin.
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