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Environnement : jusqu'à 3 000 fermes menacées aux Pays-Bas

Les agriculeurs néerlandais sont en colère. Pour respecter ses engagements environnementaux, le gouvernement veut fermer jusqu'à 3 000 exploitations agricoles.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Les étables vides d'éleveurs néerlandais après la signature du contrat d'achat volontaire aux Pays-Bas, en octobre 2022. (ROB ENGELAAR / ANP MAG via AFP)

Aux Pays-Bas le gouvernement a fait ses comptes : pour respecter son ambitieux "plan azote" qui prévoit de diviser par deux les émissions de ce gaz à effet de serre d'ici à 2030, il faut rayer du paysage entre 2 000 et 3 000 élevages intensifs – 5% du total des fermes dans le pays. À terme, 30 à 50% du cheptel devrait disparaître. 

Ce "plan", dévoilé en juin, a déjà massivement mobilisé les agriculteurs qui ont manifesté cet été, jusqu'à obtenir la tête du ministre de l'Agriculture – qui a donné sa démission à la rentrée. Malgré les oppositions très fortes, ce plan revient aujourd'hui en haut de l'agenda, et la colère avec elle. Le pays n'a pas le choix : c'est une question de santé publique et de maintien de la biodiversité. L'agence néerlandaise pour l'environnement a prévenu que les espèces indigènes disparaissaient plus rapidement aux Pays-Bas que dans le reste de l'Europe.

L'agriculture intensive, première responsable

Les engrais et les effluents des élevages intensifs de porcs ou de vaches laitières représentent presque la moitié des émissions de gaz à effet de serre du pays (46%). Les Pays-Bas sont toujours le deuxième plus grand exportateur de produits alimentaires au monde. Les sols sont gorgés de protoxyde d’azote, d’ammoniac et de nitrates: il y en a à l'hectare quatre fois plus que dans le reste de l’Union européenne.

Comment le gouvernement de Mark Rutte va-t-il s'y prendre pour faire disparaître 3 000 fermes ? Sa méthode, c'est tout simplement de racheter les exploitations en proposant aux agriculteurs de les payer 120% de leur valeur. L'opération est budgetée, elle devrait coûter à l'État plus de 24 milliards d’euros. Et quand il n'y aura plus de volontaires, on passera à la phase 2 : les expropriations forcées. C'est ce que la ministre de l'Environnement et de la Politique de l'azote, Christianne van der Wal, a confirmé fin novembre devant les députés avec ces mots : "Il n'y a pas de meilleure offre à venir."

Dans son arrêt de 2019, le Conseil d’État, s’appuyant sur la directive européenne de conservation des habitats naturels, a considéré que la promesse de réductions futures ne suffirait plus et qu'il fallait commencer par baisser les émissions de GES. Depuis, il est quasiment impossible de construire une maison particulière, d'étendre un corps de ferme ou un aéroport : cela nécessite l’intervention de machines émettrices d’oxyde d’azote, les autorités locales n'ont plus le droit de délivrer de permis.

La limite de vitesse sur autoroute a été abaissée de 130 km/h à 100 km/h : cela a permis de faire baisser les émissions et libéré la construction de 75 000 maisons. Mais le pays ne peut se contenter d'avancer par à-coups. Pour atteindre ses objectifs environnementaux, mais aussi pour la reprise des activités économiques, le gouvernement assure qu'un nouveau système de production agricole est nécessaire.

La colère ne retombe pas

Sauf que les agriculteurs ne sont toujours pas d'accord. Pour eux, ça va trop vite. Et pourquoi ne pas demander les mêmes efforts à l'industrie ou aux transports, notamment à l'aviation, très polluante ? Certains, malgré tout, ont cédé. Dans la province du Limbourg, ils avaient jusqu'à la semaine dernière pour se décider – le plan de rachat est géré par les régions. 25 éleveurs de porcs ont accepté de vendre. Leurs terrains seront transformés en zones naturelles. 25, c'est peu...

L’une des principales organisations d’agriculteurs, la LTO Nederland, reste opposée au rachat forcé. Depuis la semaine dernière, elle encourage de nouveau les manifestations. Samedi 3 décembre, des tracteurs ont bloqué les routes à Urk, au nord d'Amsterdam. La police a, par ailleurs, procédé à plusieurs arrestations. En 1992, les Pays-Bas ont négocié et obtenu de multiples dérogations à la directive "nitrate" imposée par l'Union européenne. Aujourd'hui, ils payent leur choix politique d'il y a trente ans.

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