Guerre en Ukraine : Lviv, ville refuge, abrite l’un des plus grands centres de réhabilitation pour les soldats blessés

La ville de Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, est devenue un lieu-refuge pour les blessés de guerre. Mais aussi les déplacés et les entreprises. Loin du fracas de la guerre.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des patients présents au Centre national de réadaptation Unbroken, à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, le 26 septembre 2023. (ANASTASIIA SMOLIENKO / AVALON / MAXPPP)

A deux pas de la frontière polonaise et du parc national des Carpates, Lviv, dans l'Ouest de l'Ukraine, est une ville refuge. En deux ans, elle n'a été frappée qu'une trentaine de fois. C'est peu par rapport à d’autres régions. Ces deux derniers jours, par exemple, on n’y a entendu aucune sirène d’alerte aérienne. Ici, on se sent à l’abri. Même si le maire, Andriy Sadovyi, rappelle toujours à ses visiteurs que parmi ses administrés, "pas une famille" n'est épargnée par le conflit.

Ouverture d'orphelinats

Des trains d’évacuation venus des zones de guerre, dans l'est, continuent d'ailleurs d'amener à Lviv les citoyens qui fuient les bombes. Les flux sont moins importants et les profils ont changé. Aujourd'hui, on voit surtout arriver des personnes âgées ou handicapées. Et des enfants. Beaucoup n’ont plus de parents. A tel point que la ville a dû se résoudre à ouvrir de nouveaux orphelinats. "On n'aime pas ça, dit le gouverneur de la région, ce n'est jamais une bonne nouvelle. Mais on n'a pas pu faire autrement".

La majorité des déplacés, arrivés aux premiers jours de l'invasion russe, sont malgré tout repartis. A l’étranger ou dans leur région d’origine. Ils ne sont plus que 300 000 désormais dans cette ville paisible et joyeuse, remplie de cafés, dont les façades colorées du centre-ville sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco.

Mais Lviv a été transformée par la guerre. Elle abrite aujourd'hui l’un des plus grands centres de réhabilitation du pays pour les soldats et les civils blessés : Unbroken ("intact" - on pourrait dire aussi "réparé" ou "invincible") a pris ses quartiers dans un hôpital ultramoderne, financé à 80% par des fonds publics, le reste par des donations venues de l'étranger.

De "la morgue" à la résilience

Il y a quatre ans, les habitants de Lviv appelaient encore cet hôpital "la morgue", parce qu'on n'était pas toujours sûr d'en sortir vivant. Pas d'équipements, des médecins mal formés, une surmortalité statistique anormale. Aujourd'hui, ses couloirs immaculés abritent les meilleurs spécialistes de la médecine de guerre, formés "sur le tas" par la force des choses, mais qui sont aussi allés apprendre les techniques en Israël, aux Etats-Ubnis, en Allemagne et au Danemark.  

Ici on soigne le physique et le psychique des amputés bien sûr, mais aussi des brûlés, des défigurés, de ceux qui sont devenus sourds ou invalides, de ceux qui ont été faits prisonniers et torturés... et "les cas les plus graves", selon la responsable du service de santé mentale, Yulyana Krynytska - Berezyuk : ceux qui sont revenus entiers et qui disent - contre toutes les évidences - "tout va bien".

Une référence en matière de prothèses

Un déni qui concerne quasiment un patient sur trois (28%), et ce n'est qu'un début : le personnel soignant se prépare à affronter une vague de syndromes post-traumatiques (PTSD) - ce que les Américains ont connu deux ou trois ans après le déclenchement de la guerre en Irak.

Le travail de réhabilitation des amputés au centre Unbroken de Lviv, le 15 avril 2024 (ISABELLE LBEYRIE / RADIO FRANCE)

15 000 patients sont passés par le centre depuis le début de la guerre. Unbroken est devenu une référence en matière de prothèses (importées ou fabriquées sur place, parfois avec des imprimantes 3D; une usine va d'ailleurs ouvrir prochainement en périphérie de la ville) mais le lieu dispose aussi d'unités de chirurgie et offre un parcours de soin pluridisciplinaire incluant des séances de physiothérapie et de santé mentale - tout est gratuit.

"Créer de nouveaux emplois"

Sur le plan économique, 240 entreprises se sont relocalisées à Lviv pour pouvoir continuer leur activité malgré le conflit, ce qui représente environ 5000 emplois. Malgré cela, la ville n’a pas encore retrouvé son niveau économique d’avant-guerre, ce qui préoccupe le gouverneur, Maksym Kozytskyy. "On doit absolument créer de nouveaux emplois, dit-il. La victoire du front économique n’est pas moins importante que la victoire militaire."

Le maire de Lviv, Andriy Sadovyi, dans son bureau de Kiev, le 15 avril 2024. (ISABELLE LABEYRIE / RADIOFRANCE)

Aucun investisseur étranger ne s’est manifesté pour l’instant, et le gouverneur regrette que certaines entreprises européennes n’assurent plus aucune maintenance de matériel pour des questions d’assurance, ce qui pénalise la reprise. Le maire lui, cultive son optimisme. Les visiteurs étrangers sont nombreux à passer dans son bureau. Ils les reçoit volontiers pour leur vanter les qualités de sa ville. Et se dit très fier du fait que Lviv ait été désignée "capitale européenne de la jeunesse" en 2025. Comme un signe de renouveau.

Chronique réalisée dans le cadre d'un déplacement en Ukraine organisé par le groupe de réflexion Eastern Circles

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