Cet article date de plus d'un an.

Guerre en Ukraine : pour la première fois, Washington va coopérer avec la Cour pénale Internationale sur les crimes russes

Toujours méfiants vis-à-vis de l'institution, les Américains vont fournir à la Cour pénale internationale des informations susceptibles de prouver des crimes de guerre russes en Ukraine.
Article rédigé par Aurélien Colly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'entrée de la Cour pénale internationale à La Haye (Pays-Bas). (VINCENT ISORE / MAXPPP)

L’ordre est venu du président Joe Biden, discrètement, il y a quelques jours. Et c’est un tournant majeur, tant les États-Unis étaient hostiles à cette juridiction internationale qui enquête sur les crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou génocide, et qui pourrait aussi poursuivre des responsables américains. Les États-Unis n’ont d'ailleurs pas ratifié le traité fondateur de la CPI en 1998, le Statut de Rome. 

>> Guerre en Ukraine : dans un village en "zone grise", "tous les jours, on lutte pour survivre"

Mais la guerre en Ukraine a changé la donne. Depuis le début de l’invasion russe, le renseignement américain a recueilli beaucoup d’informations, notamment sur deux dossiers qui intéressent la Cour pénale internationale. 

D’abord, des détails sur les décisions prises par des responsables russes de frapper délibérément les infrastructures civiles en Ukraine. C’est un crime de guerre. Ensuite, des éléments sur un programme de transferts massif d’enfants ukrainiens coordonné par les autorités russes : 6 000 enfants présentés comme abandonnés ou orphelins, envoyés pour adoption en Russie ou dans des foyers pour être "russifiés". Là encore, c’est un crime de guerre potentiel. Les États-Unis ont partagé ces informations qui peuvent constituer des preuves avec les procureurs ukrainiens, mais pas avec la CPI. L’administration Biden a certes salué les poursuites lancées en mars dernier par la cour contre des responsables russes, jusqu’à Vladimir Poutine, mais ça n’allait pas plus loin jusqu’à présent.

Bras de fer avec le Pentagone 

Les responsables américains ont toujours été méfiants avec la CPI, surtout dans le camp républicain. Les États-Unis ont soutenu les tribunaux spéciaux de l’ONU, comme pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie, mais n’ont jamais adhéré au Statut de Rome qui a donné naissance à la CPI en 1998. Bill Clinton l’avait signé, mais jamais envoyé au Congrès pour ratification. George Bush a carrément retiré la signature américaine. En 2002, le Congrès a même voté des lois pour interdire toute coopération américaine avec la juridiction. Cette position a été assouplie avec l’arrivée au pouvoir de Barack Obama.

À défaut de coopération, son administration a offert des récompenses pour la capture ou pour des informations sur des seigneurs de guerre africains poursuivis par la CPI. Machine arrière avec l’administration Trump, qui est allée jusqu’à prendre des sanctions contre la procureure de la CPI quand elle a voulu enquêter sur la torture en Afghanistan sous l’administration Bush. 

Avec l’invasion de l’Ukraine menée par le rival historique russe, changement de ligne au Congrès et à la Maison Blanche. Mais comme le rapporte le New York Times, au prix d’un bras de fer en coulisse avec le Pentagone, qui défend encore une mise à distance de la CPI : pas de coopération avec une juridiction qui peut poursuivre des Américains, pas de coopération qui pourrait créer un précédent.

En décidant de fournir à la CPI des informations sur d’éventuels crimes russes en Ukraine, Washington amorce donc un vrai changement, même si on est encore loin d’une reconnaissance et d’une adhésion américaine à cette juridiction internationale. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.