Guerre en Ukraine : qui est Roustem Oumerov, Tatar de Crimée et nouveau ministre de la Défense ?
Roustem Oumerov, 41 ans, n'a aucune expérience militaire. À 41 ans, c'est d'abord un homme d'affaires. Il a commencé dans les télécoms et fondé une société d'investissement avant de se faire élire député en 2019, dans un parti d'opposition (Holos).
Après l'invasion russe, comme il a fait ses études aux États-Unis, qu'il a de bons réseaux - et qu'accessoirement il parle cinq langues - il devient un super-diplomate, mais qui œuvre dans l'ombre : il discute avec les Occidentaux sur les livraisons d'armes. Il soigne ses relations avec le président turc. Des contacts qui lui seront utiles pour maintenir (voire accroître) l'aide internationale à l'Ukraine.
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Il parle aussi à Moscou ! Il est même de toutes les délégations qui discutent avec les représentants du Kremlin. Ce qui lui vaut d'être victime d'une tentative d'empoisonnement en mars 2022, attribuée aux partisans russes de la ligne dure - celle qui ne veut pas entendre parler de pourparlers de paix.
Plus tard, Roustem Oumerov contribuera à arracher l'accord sur les céréales en mer noire (aujourd’hui dénoncé par Vladimir Poutine). On lui doit aussi plusieurs échanges de prisonniers de guerre.
Un Tatar de Crimée au gouvernement
Roustem Oumerov est surtout un Tatar, musulman, originaire de Crimée, un profil qui rend sa nomination d'autant plus symbolique. Son histoire personnelle est celle d'un combat permanent contre les diktats du Kremlin.
Oumerov est né en déportation, dans une province reculée d'Ouzbekistan où le régime stalinien avait exilé ses parents - comme des centaines d'autres milliers de Tatars de Crimée. Sa famille n'est retournée en Crimée que dans les années 1990. C'est là que son "opposition existentielle aux politiques coloniales et prédatrices de la Russie" trouve ses racines, comme il le déclarait lui-même dans une interview au journal ukrainien Liwyj bereh.
En 2014, comme une grande partie de sa communauté (qui représente un peu moins de 15% de la population de Crimée), il boycotte le référendum d'annexion ; il est alors très proche du leader du parlement du peuple tatar, Moustafa Djemilev. Une institution classée "terroriste" par Moscou ; certains de ses membres finiront en prison.
Aucun Tatar n'a jamais occupé un poste aussi élevé au gouvernement. Sa nomination à venir est aussi un message à Vladimir Poutine alors que la contre-offensive ukrainienne progresse dans le Sud : l'Ukraine reprendra la Crimée. "Nous ne renoncerons ni à notre peuple ni à notre terre", disait déjà Oumérov en mai 2022.
Faire oublier les scandales
Ce que lui demande aussi le président Zelensky, c’est de redorer le blason du ministère de la Défense, de se montrer irréprochable pour faire oublier les affaires de pot-de-vin et de surfacturation qui ont entaché le mandat de son prédécesseur.
Il est surtout chargé de rétablir un lien de confiance avec l'opinion publique mais aussi avec les partenaires occidentaux de l'Ukraine. Sans transparence, sans progrès notable en matière de lutte contre la corruption il n'y aura pas de discussion sur une intégration dans l'OTAN ou dans l’Union européenne.
Sur ce point, Roustem Oumerov a déjà fait preuve de sa capacité à réformer, quand il dirigeait l'organe responsable de la privatisation des entreprises publiques. Un risque n'est pas à exclure : qu'il se fasse lui-même broyer dans la machine à scandales. La durée de son maintien à son poste sera aussi un test de maturité pour la démocratie ukrainienne.
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