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Crimée: ces Tatars qui refusent d'être intégrés à la Russie
La Crimée, «talon» de l’Ukraine, est un territoire multiethnique. Elle compte certes 58% de Russes, mais aussi 24% d’Ukrainiens. Et 12% de Tatars, soit 250.000 personnes. La Turquie a exprimé le 3 mars 2014 son inquiétude pour cette minorité turcophone et musulmane sunnite, déportée par Staline. Une minorité qui a pris fait et cause pour Kiev.
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«Nous avons un important devoir de mémoire envers les Tatars, et nous sommes en discussion avec les parties concernées pour que cette dispute ne dégénère pas en conflit armé. Nous ne pouvons rester simples spectateurs de ce qui se passe là-bas», a expliqué une source gouvernementale à Ankara.
«Nous ne voulons pas être (intégrés à, NDLR) la Russie, nous voulons rester avec l’Ukraine», déclarent à l’unisson les Tatars rencontrés par l'AFP à Simféropol, capitale de la Crimée. En 2004, ils avaient déjà soutenu la «révolution Orange». De son côté, le leader de la communauté, Refat Tchoubarov, a dénoncé le 27 février 2014 de «nouvelles tendances séparatistes inspirées depuis la Russie».
Au départ, les Tatars se sont ostensiblement réjouis de l’arrivée d’un nouveau pouvoir à Kiev. Le 26 février, des milliers d’entre eux étaient descendus dans les rues de Simféropol, aux cris de «Allah Akbar» pour montrer leur loyauté au nouveau gouvernement mis en place à Kiev et en signe d'opposition à une manifestation organisée par les séparatistes russes. Il y a eu des blessés dans la bousculade. Le lendemain, à l’aube, des hommes armés non identifiés s'emparaient du parlement de la République autonome de Crimée lors d'une mystérieuse opération. Une action qui s'est révélée être le point de départ de l'opération militaire lancée par le président russe Vladimir Poutine pour prendre le contrôle de la région.
Depuis lors, les Tatars se sont faits discrets. Motif : la minorité redoute d’être entraînée dans la guerre. «S'il y a un conflit, en tant que minorité, nous serons les premiers à souffrir», a déclaré à Reuters Usein Sarano, 57 ans.
Désormais, Refat Tchoubarof choisit soigneusement ses mots. «Nous devons tout faire pour empêcher que s'aggrave l'atmosphère de peur et de défiance en Crimée», a-t-il déclaré le 1er mars lors d'une conférence de presse à Simféropol. «Les citoyens de Crimée, avec leurs voisins, et sans tenir compte de leur nationalité, doivent maintenir la paix», a-t-il ajouté. Un retraité tatar qui dit s'appeler Roustim explique que les membres de la communauté ont reçu le conseil de leurs dirigeants de rester discrets en raison de l'incertitude politique. «Poutine est un fou qui a faim de pouvoir. Il attise les différences ici depuis un moment», commente Roustim, dans l'ombre de la Mosquée Kebir-Djami.
Déportés par Staline
C’est en 1441 que les Tatars, originaires des steppes d’Asie centrale, ont fondé le khanat (pays soumis à la juridiction d’un khan, titre turc) de Crimée. En 1571, ils prennent Moscou. A partir de cette période, ils sont en guerre permanente avec l’Empire des Tsars. En 1783, l’impératrice russe (d’origine allemande) Catherine II annexe le territoire. Don gouvernement y mène alors une intense politique de russification, encourageant ses agriculteurs à s’y installer. Ce qui entraîne un exode massif des Tatars, qui deviennent minoritaires dans leur propre pays.
Nouvel exode après la guerre de Crimée entre Russie d’un côté, France et Grande-Bretagne de l’autre, de 1853 à 1856. Au XXe siècle, la domination soviétique aggrave encore le sort de la minorité. Nombre de ses membres sont alors victimes des grandes purges de l’ère stalinienne: à partir de 1927, les paysans riches sont déportés, l’élite politique et intellectuelle est massacrée.
Pendant la Seconde guerre mondiale, une minorité de Tatars aurait apparemment collaboré avec les nazis. En 1944, Staline décide une punition collective. A partir du 18 mai, en 48h, plus de 180.000 membres de la communauté «sont jetés dans des wagons à bestiaux». Ils sont déportés en Ouzbékistan et en Sibérie. Près de la moitié seraient morts de faim ou de maladie au cours de l’opération.
En 1967, le pouvoir soviétique les innocente, sans pour autant les autoriser à rentrer en Crimée. A partir de 1989, avec la dislocation de l’URSS, ils commencent à revenir dans la province. Aujourd’hui, ils vivent dans les périphéries des villes, en marge de la société ukrainienne. Ils «subissent une discrimination économique et le chômage frappe toujours près de 60% de la communauté», rapporte Le Figaro.
Manifestation de Tatars de Crimée à Simféropol
«Nous ne voulons pas être (intégrés à, NDLR) la Russie, nous voulons rester avec l’Ukraine», déclarent à l’unisson les Tatars rencontrés par l'AFP à Simféropol, capitale de la Crimée. En 2004, ils avaient déjà soutenu la «révolution Orange». De son côté, le leader de la communauté, Refat Tchoubarov, a dénoncé le 27 février 2014 de «nouvelles tendances séparatistes inspirées depuis la Russie».
Au départ, les Tatars se sont ostensiblement réjouis de l’arrivée d’un nouveau pouvoir à Kiev. Le 26 février, des milliers d’entre eux étaient descendus dans les rues de Simféropol, aux cris de «Allah Akbar» pour montrer leur loyauté au nouveau gouvernement mis en place à Kiev et en signe d'opposition à une manifestation organisée par les séparatistes russes. Il y a eu des blessés dans la bousculade. Le lendemain, à l’aube, des hommes armés non identifiés s'emparaient du parlement de la République autonome de Crimée lors d'une mystérieuse opération. Une action qui s'est révélée être le point de départ de l'opération militaire lancée par le président russe Vladimir Poutine pour prendre le contrôle de la région.
Depuis lors, les Tatars se sont faits discrets. Motif : la minorité redoute d’être entraînée dans la guerre. «S'il y a un conflit, en tant que minorité, nous serons les premiers à souffrir», a déclaré à Reuters Usein Sarano, 57 ans.
Désormais, Refat Tchoubarof choisit soigneusement ses mots. «Nous devons tout faire pour empêcher que s'aggrave l'atmosphère de peur et de défiance en Crimée», a-t-il déclaré le 1er mars lors d'une conférence de presse à Simféropol. «Les citoyens de Crimée, avec leurs voisins, et sans tenir compte de leur nationalité, doivent maintenir la paix», a-t-il ajouté. Un retraité tatar qui dit s'appeler Roustim explique que les membres de la communauté ont reçu le conseil de leurs dirigeants de rester discrets en raison de l'incertitude politique. «Poutine est un fou qui a faim de pouvoir. Il attise les différences ici depuis un moment», commente Roustim, dans l'ombre de la Mosquée Kebir-Djami.
Déportés par Staline
C’est en 1441 que les Tatars, originaires des steppes d’Asie centrale, ont fondé le khanat (pays soumis à la juridiction d’un khan, titre turc) de Crimée. En 1571, ils prennent Moscou. A partir de cette période, ils sont en guerre permanente avec l’Empire des Tsars. En 1783, l’impératrice russe (d’origine allemande) Catherine II annexe le territoire. Don gouvernement y mène alors une intense politique de russification, encourageant ses agriculteurs à s’y installer. Ce qui entraîne un exode massif des Tatars, qui deviennent minoritaires dans leur propre pays.
Nouvel exode après la guerre de Crimée entre Russie d’un côté, France et Grande-Bretagne de l’autre, de 1853 à 1856. Au XXe siècle, la domination soviétique aggrave encore le sort de la minorité. Nombre de ses membres sont alors victimes des grandes purges de l’ère stalinienne: à partir de 1927, les paysans riches sont déportés, l’élite politique et intellectuelle est massacrée.
Pendant la Seconde guerre mondiale, une minorité de Tatars aurait apparemment collaboré avec les nazis. En 1944, Staline décide une punition collective. A partir du 18 mai, en 48h, plus de 180.000 membres de la communauté «sont jetés dans des wagons à bestiaux». Ils sont déportés en Ouzbékistan et en Sibérie. Près de la moitié seraient morts de faim ou de maladie au cours de l’opération.
En 1967, le pouvoir soviétique les innocente, sans pour autant les autoriser à rentrer en Crimée. A partir de 1989, avec la dislocation de l’URSS, ils commencent à revenir dans la province. Aujourd’hui, ils vivent dans les périphéries des villes, en marge de la société ukrainienne. Ils «subissent une discrimination économique et le chômage frappe toujours près de 60% de la communauté», rapporte Le Figaro.
Manifestation de Tatars de Crimée à Simféropol
Euronews, 26-2-2014
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