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Iran : après dix jours de manifestations, Hadis Najafi est devenue un nouveau visage symbole de la répression

En Iran, dix jours de protestations et une colère qui ne retombe pas, après la mort d'une jeune femme frappée par la police des moeurs parce qu'elle ne portait pas correctement son voile. Un nouveau décès vient même attiser la colère des manifestants.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des manifestants dans les rues de Téhéran (Iran) lors d'une manifestation pour Mahsa Amini, quelques jours après sa mort en garde à vue, le 21 septembre 2022.
 (- / AFP)

La répression a déjà fait une quarantaine de morts, l'ONG Iran Human Rights basée à Oslo fait même état d'au moins 54 manifestants tués. Mais depuis quelques jours un nom retient l'attention : celui d'Hadis Najafi, 20 ans à peine, abattue mercredi 21 septembre par les forces de sécurité dans la ville de Karaj, à l'ouest de Téhéran. Six balles dans la tête, le cou et la poitrine.

Amnesty International confirme au journal Le Point que la jeune fille a été tuée par "un fusil de chasse à billes de plomb", une arme dont se servent régulièrement les forces de l'ordre. Mais Hadis Najafi n'avait commis d'autre crime que d'avoir défilé pour contester le port obligatoire du hijab. 

Une vidéo circule sur les réseaux sociaux : il fait nuit, des manifestants commencent à se regrouper, l'atmosphère s'échauffe, on voit une jeune femme blonde de trois quart dos. Elle a enlvé son foulard et est en train de nouer ses cheveux à la hâte avant de se lancer dans la bataille. Ces images, très brèves, sont devenues le nouveau symbole des Iraniennes défiant la république islamique. (Une Iranienne - qui souhaite rester anonyme - assurera toutefois quelques jours plus tard dans une vidéo envoyée à la BBC que c'est elle mais pas Hadis Najafi qui figure sur ces images - NDLR).

Le régime en danger ?

Ce n'est plus seulement la police des moeurs qui est visée aujourd'hui par les protestataires, c'est le régime lui-même. Dans les cortèges on crie  "Mort à la République islamique !" ou encore "Mort à Khamenei !", le guide suprême.

Les manifestations se sont étendues dans plus de 80 villes, y compris dans les régions reculées, y compris dans les villes conservatrices. Et dans les rangs des manifestants, où les femmes sont de plus en plus nombreuses, toutes les couches sociales sont représentées.

Ces manifestations sont les plus importantes depuis novembre 2019, quand la protestation s'était nourrie de la hausse des prix de l'essence. Elles s'étaient conclues par la mort de près de 300 personnes.

"Agir fermement" contre les manifestants

Cette fois non plus les autorités ne sont pas près de céder. Le président Ebrahim Raïssi lui-même a demandé hier aux forces de l'ordre d'agir "fermement contre ceux qui portent atteinte à la sécurité et à la paix du pays". Et le gouvernement organise des contre-manifestations avec femmes en tchador en soutien à sa politique.

C'est très difficile pour le régime d'accepter de reculer sur le voile, qui est une question idéologique. Dès le début de la République islamique, le hijab imposé aux femmes a été sacralisé comme le symbole du pouvoir. Céder à la pression sociale, accepter les transformations de la société, ce serait précipiter sa chute.

Mais persister dans la surenchère sécuritaire ne peut que conduire à une impasse. Des manifestations de soutien aux Iraniens ont eu lieu un peu partout dans le monde ce week-end, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France. La scène diplomatique elle aussi commence à frémir. L'union européenne a jugé hier, pas la voix de son chef de la diplomatie, Josep Borrell, "injustifiable et inacceptable" l'usage "généralisé et disproportionné de la force" contre les manifestants.

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