La France s'est-elle réjouie trop vite à propos de la Pologne ?

À l'automne dernier, après huit ans de pouvoir des nationalistes polonais, un gouvernement pro-européen a été élu. Mais les espoirs suscités par ce changement ne sont pas encore au rendez-vous.
Article rédigé par Frédéric Says
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, le 8 juillet 2024. (SERGEI GAPON / AFP)

Un intense soupir de soulagement avait accueilli il y a quelques mois le changement de pouvoir en Pologne. Dans les capitales européennes, et d'abord à Paris, on avait célébré la défaite des ultraconservateurs polonais, eurosceptiques et nationalistes, le parti PIS, qui régnait sur Varsovie depuis huit ans. À la place, un nouveau Premier ministre pro-européen, Donald Tusk, étiqueté au centre-droit.

"La Pologne est de retour" avait même tweeté Valérie Hayer, la cheffe de file des élus macronistes au Parlement européen, qui se réjouissait de cette victoire, "pour les droits des femmes, pour le progrès et pour l'état de droit".

Une joie à vrai dire partagée par quasi tous les gouvernements du continent. Ils voulaient voir le signe, dans cette élection polonaise, que la montée de la droite dure n'était pas inéluctable, malgré les succès électoraux de l'italienne Giorgia Meloni et du hongrois Viktor Orban.

Des décisions qui inquiètent

Mais tout ne se passe pas comme prévu en Pologne. Sans doute les diplomates européens, tout à leur soulagement, ont-ils pris leurs désirs pour des réalités. La Pologne a certes changé de majorité politique, elle critique moins souvent et moins fortement Bruxelles mais une série de décisions récentes interrogent. Le Parlement polonais vient d'autoriser les policiers à tirer à balles réelles à la frontière pour dissuader les migrants d'entrer sur le territoire, une loi adoptée à la quasi-unanimité. La Pologne accuse la Biélorussie, pays voisin, allié de Moscou, de favoriser l'arrivée de migrants irréguliers, une stratégie de déstabilisation, selon elle. L'ONG Amnesty international s'inquiète de cette nouvelle loi qui risque "d'affaiblir l'état de droit".

Autre exemple, sur le droit des femmes. L'avortement est quasi-interdit, et ceux qui aident à l'IVG risquent trois ans de prison. Les députés ont refusé de modifier la loi, à une courte majorité en fin de semaine dernière. La coalition du Premier ministre Donald Tusk est divisée sur ce sujet, très sensible, dans une Pologne largement religieuse. Il est donc peu probable que le droit à l'IVG progresse à court terme, loin des espoirs européens.

Et les capitales européennes restent bien silencieuses. D'une part parce que la Pologne est un État-clé dans le contexte de la guerre en Ukraine. C'est le pays qui dépense le plus pour son armement, en proportion de sa richesse nationale. Un allié solide. Ensuite, c'est une nation puissante dans les instances européennes, la 5e en nombre de députés au Parlement de Strasbourg, juste après l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne. Les Polonais sont très influents au sein du premier groupe politique, celui de la droite européenne, là aussi des alliés à ne pas froisser.

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