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Mali : une frappe aérienne au centre du pays suscite la controverse

L'armée française a-t-elle commis une bavure au Mali ? Le 3 janvier, plusieurs dizaines de personnes sont mortes au cours de frappes aériennes dans le centre du pays. "Des jihadistes", selon la force Barkhane. "Des civils" répondent des Maliens. 

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des soldats français au Mali en 2016. Photo d'illustration. (PASCAL GUYOT / AFP)

Le drame a pour décor le centre du Mali, près de Douentza. Une zone désertique, éloignée à presque 800 kilomètres de Bamako, et  dangereuse, tenue par les groupes jihadistes et gangrenée par les conflits entre ethnies. C'est une association locale de défense de la culture peul, Tabital Pulakuu, qui la première rapporte les faits. Avant une avalanche de témoignages sur les réseaux sociaux. Les récits - rarement de première main - racontent que deux frappes aériennes se produisent dimanche en plein mariage.

Une vingtaine de personnes sont tuées, dont des enfants. Les corps, dont certains ne sont plus identifiables, sont entassés à la va-vite dans une fosse commune. Des blessés sont amputés et pris en charge par l'antenne espagnole de Médecins sans frontières.

Certains Maliens parlent d'avions, d'autres d'hélicoptères, mais tous sont formels: ils s'agissait de civils, pas d'un rassemblement de jihadistes. La Minusma, la force des Nations Unies, assure qu'elle n'est pas impliquée. Alors qui est derrière cette frappe et pourquoi ? Seules l'armée malienne et l'armée française opèrent dans cette zone.

Deux Mirage 2000 français dans le même secteur

L'état-major de l'armée française est resté silencieux plusieurs jours avant de reconnaître mardi 5 janvier que deux avions de chasse de la force Barkhane, deux Mirage 2000, ont bien mené un raid le même jour dans le même secteur. Mais qu'ils ont visé un rassemblement de jihadistes, des individus repérés après un long travail de renseignement, conforté par l'envoi d'un drone avant et après la frappe. Plusieurs dizaines d'entre eux ont été tués, les militaires sont formels. Il n'y avait pas de mariage.

Les autorités maliennes, de leur côté, restent silencieuses. Un haut gradé de l’État-major cité de manière anonyme par un journal local, assure toutefois qu'aucun appareil de l’armée n’a survolé la zone ce jour-là. Et que les opérations antiterroristes en cours ne concernent pas le secteur de Douentza.

Toutes les hypothèses sont donc possibles, y compris celle de deux événements différents ayant lieu à peu près au même moment. L'association peul invite la communauté internationale à "ouvrir une enquête".

Un contexte sécuritaire qui se dégrade

Cet événement se produit dans un contexte sécuritaire qui se dégrade : actes crapuleux, massacres, représailles contre ce qu'il reste de l'État malien, attaques contre les militaires. La France vient d'ailleurs de perdre cinq soldats tués par des engins improvisés qui ont explosé sous leur véhicule. Les violences ont pris un caractère communautaire notamment entre les Dogons et les Peuls, des musulmans nomades souvent suspectés de connivence avec les jihadistes.

La frontière est parfois floue notamment chez les jeunes, qui s'enrôlent dans des groupes armés radicaux affiliés à Al Qaïda, comme le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), qui a revendiqué l'attaque meurtrière contre deux militaires français samedi 2 janvier. Et qui a été désigné par le commandant de la force Barkhane comme "l'ennemi le plus dangereux du Sahel", avec lequel les Maliens évaluent la possibilité d'organiser des pourparlers. Ces dernières semaines, des affrontements ont aussi eu lieu entre ce groupe terroriste et ceux affiliés à l’État islamique au Grand Sahel (EIGS).

Pour éviter l'enlisement face à cette guerre ingagnable, la France qui compte environ 5 100 hommes dans le Sahel envisage de réduire sa présence militaire. Un premier retrait pourrait être annoncé en février lors d'un sommet à N’Djamena, au Tchad, qui réunira la France et ses partenaires du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie et Tchad), créé en 2017.

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