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"Manipulation", "fake news" : la Russie veut convaincre qu'elle n'est pas impliquée dans le massacre de Boutcha

La Russie dément son implication dans le massacre de Boutcha, en Ukraine. Moscou fait beaucoup d'efforts pour convaincre qu'il s'agit d'une manipulation mais le monde entier a du mal à y croire.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Image satellite publiée le 4 avril 2022 montrant une vue de la rue Yablonska à Boutcha (Ukraine) le 18 mars 2022. (AFP)

Non seulement l'armée russe n'y est pour rien, mais en plus, elle est victime d'une effroyable machination... Voilà le message que matraquent les officiels et leurs relais. Les cadavres de civils découverts par centaines dans les rues de Boutcha ne sont qu'une mise en scène, une provocation. Ces premiers éléments de langage sont diffusés dès dimanche 3 avril sur les comptes officiels Telegram des ministères de la Défense et des Affaires étrangères. Puis relayés à l'intérieur de la Russie comme à l'étranger, dans la vraie vie comme sur les réseaux sociaux.

Par les médias pro-gouvernementaux aussi, qui pour étayer leur démonstration s'appuient un reportage diffusé par la télévision ukrainienne. Les journalistes traversent Boutcha en voiture derrière un pick-up de soldats, ils filment les corps partout sur le bitume ou sur les trottoirs. Les Russes qui ont scruté les images assurent que l'un des civils présenté comme mort lève la main au passage de la caméra : comme les autres, c'est un comédien payé pour faire de la figuration.
Sauf que la vidéo a été analysée par plusieurs sites spécialistes de la vérification d'images. Leur conclusion est sans appel : le cadavre en question ne bouge pas d'un millimètre, le mouvement perçu n'est qu'un reflet sur le pare-brise du véhicule.
La ficelle est grosse, très grosse, mais il y a beaucoup d'exemples comme celui-ci.

À Marioupol, "un maquillage très réaliste"

Ce n'est pas la première fois que les Russes emploient la rhétorique du coup monté. Souvenez-vous du bombardement de cette maternité à Marioupol, le 9 mars, qui a choqué le monde entier. Des photos montrent alors une femme enceinte en état de choc. Elle est influenceuse beauté. Moscou l'accuse d’être une actrice. Ses blessures ? "Un maquillage très réaliste", tweete même l’ambassade de Russie en Angleterre. Son message depuis a été supprimé. En 2013, déjà, lors de la guerre en Syrie, Vladimir Poutine avait usé et abusé de théories conspirationnistes identiques pour dédouaner son allié syrien.

Depuis quelques heures toutefois la thèse officielle a changé sur Boutcha. Comme la preuve par l'image ne tenait pas vraiment la route, le Kremlin a changé de version. Aujourd'hui les victimes de Boutcha sont bien réelles, mais elles n'ont pas été tuées par l'armée russe. Elle l'ont été par le bataillon Azov, ce régiment ukrainien créé en 2014 présenté comme "fasciste" ou "néonazi". Les réseaux sociaux prorusses sont remplis de commentaires sur ses atrocités supposées. L'avantage de ce nouvel argumentaire, c'est qu'il permet à Moscou de justifier son intervention militaire spéciale, dont l'objectif est de "dénazifier" l'Ukraine. D'après la propagande officielle, les corps auraient été placés là "après le retrait des troupes russes de Boutcha".

Sauf que le quotidien américain The New York Times a complètement invalidé cette théorie, grâce à l'analyse des photos satellite de la ville de Boutcha. Des images qui remontent à plusieurs semaines, alors que la ville était sous domination russe. Le 19 mars, notamment, on y voit déjà des corps gisant dans les rues.

La Russie demande une nouvelle réunion du conseil de sécurité, elle promet d'y "présenter des preuves de la supercherie de Boutcha". La prestation de son représentant lundi 4 avril n'a pas convaincu. Le monde risque d'attendre longtemps.

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