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Pelé, roi des stades mais ambigu en politique

Au milieu du concert de louanges après la mort du roi du football, Pelé, il y a un sujet qui fâche. C'est la politique.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
L'attaquant brésilien Pelé, lors d'un match de football amical avec son club contre le club français du "Racing", à Colombes vers Paris, le 13 juin 1961. (- / AFP)

On reproche beaucoup à Pelé son silence et sa passivité pendant la dictature. En 1964, année du coup d'Etat, il est en pleine gloire, déjà double champion du monde mais... il se tait. La junte restera 21 ans au pouvoir. Jamais il n'aura un mot critique sur la torture des opposants, les atteintes aux libertés... Ni pendant, ni après. Ni dans son pays, ni à l'extérieur. Contrairement à une autre grande figure du football brésilien, Socrates, qui lui s’oppose fermement à la dictature avec son club de Corinthians, qu’il rebaptise "Democracia Corinthians".

En 70, Pelé lui se laisse même instrumentaliser par les militaires qui profitent du Mondial pour redorer leur blason. Il se retrouve (sans protester) sur les affiches de propagande et à son retour du Mexique va soulever la coupe à Brasilia avec le général Medici.

"J'ai fait plus pour mon pays que les hommes politiques"

Plus tard le joueur rejettera les accusations de complaisance, expliquant qu'à l'époque il était souvent à l'étranger... qu'il se sentait très loin des questions politiques. Voici ce qu'il en disait dans le documentaire Netflix l'an dernier : "Je n'étais pas un Superman, je n'étais pas capable de faire des miracles, j'étais juste une personne normale à qui Dieu avait donné le don de jouer au foot. Mais je suis sûr qu'en jouant au foot j'ai fait plus pour mon pays que bien des hommes politiques payés pour ça".

Accomplir des miracles en-dehors des terrains, pourtant Pelé en est capable. En 1969, en pleine guerre civile du Biafra, son club part jouer au Nigeria ; à cette occasion pour que les deux camps puissent assister au match, les combats sont mis entre parenthèses. Combien de temps, ce n'est pas très clair. Mais l'histoire retient que c'est Pelé qui a fait taire les armes. Cela restera la seule fois où sa notoriété sera au service de la diplomatie.

Une loi qui porte son nom

Quand il raccroche les crampons il goûte quand même à la politique. Il envisage même un moment de se lancer dans la course à la présidentielle. Finalement il accepte – en 1995 – le ministère des Sports dans le gouvernement de centre-droit de Cardoso.

Cela fait de lui le premier ministre noir du brésil. Il tente d'imposer plus de transparence dans le monde du football mais se heurte à une très forte opposition ; la loi de 1998 qui porte son nom est largement vidée de sa substance.

Un trait d'union entre deux Brésil politiquement inconciliables

À la fin de son mandat, il se retire de la politique mais toute sa vie il aura été courtisé par les présidents brésiliens, de droite comme de gauche ; son absence de convictions politiques fait qu'il leur ouvre toujours sa porte et ne se fâche avec personne.

Salué avec insistance par le chef de l'État sortant, l'ultra-nationaliste Jair Bolsonaro, il le sera tout autant par Lula, l'ancien métallo, qui doit être investi dimanche. Pelé au-delà de sa mort, comme un trait d'union entre deux Brésil politiquement irréconciliables.

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