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Référendum en Australie : les Aborigènes se plaignent d'un vote "honteux" après le rejet d'une revalorisation de leur statut

En Australie, le référendum organisé mi-octobre n'a pas permis d'accorder un statut constitutionnel particulier aux Aborigènes. Le "non" l'a massivement emporté. Les peuples autochtones dénoncent lundi, après une semaine de silence, un vote "honteux".
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les habitants de Binjari dans le Territoire du Nord, qui abrite une population pauvre presque entièrement autochtone, d'environ 300 personnes, se considèrent "oubliés". Le 31 août 2023. (DAVID GRAY / AFP)

Le 14 octobre s'est déroulé un référendum qui s'annonçait historique. Ce vote offrait aux Aborigènes, pour la première fois de leur existence, la possibilité d'être officiellement reconnus et désignés, dans la Constitution, comme les premiers habitants du pays - qu'ils peuplent depuis environ 60 000 ans. 

Pour la première fois, ils espéraient aussi pouvoir obtenir un organe consultatif dans la politique publique, surnommé "La Voix". La création de ce conseil était une ambition modeste, car celui-ci n'aurait été habilité qu'à donner son avis sur les lois et les politiques qui les concernent, sans aucun pouvoir de décision. Tout cela aurait du être... mais n'a pas été. Car les Australiens ont dit non à plus de 60 %. 

La majorité blanche assume, par ce vote, son refus de réparer les injustices historiques infligées aux peuples autochtones et son incapacité à refermer les plaies du passé, plus de deux siècles après la colonisation.

Ce jour-là, le 14 octobre, "la réconciliation est morte", dit alors sur une chaîne de télévision une universitaire et militante. Ce jour-là, des dirigeants aborigènes plein de colère et d'amertume font le choix de s'enfermer dans "une semaine de silence", pour pleurer et réfléchir aux conséquences de ce scrutin. 

"Un acte honteux"

Lundi 23 octobre, les Aborigènes sont sortis de leur deuil en diffusant une lettre cinglante adressée au gouvernement. Leur courrier dénonce le point de vue "épouvantable et mesquin" de millions d'électeurs. "Nous n'acceptons pas un instant que ce pays ne soit pas le nôtre" dit leur texte. "La vérité, c'est que la majorité des Australiens ont commis un acte honteux (...) et qu'il n'y a rien de positif à en retirer".

Le groupe dénonce également la campagne de "désinformation sans précédent" du camp conservateur, partisan du "non". Les réseaux sociaux ont en effet été inondés d'intox affirmant que voter "oui" à plus de droits pour les aborigènes aboutirait à des confiscations de terres ou à un système d'apartheid.

La lettre n'est pas signée pour que puissent s'y associer tous les membres des peuples autochtones, c'est-à-dire environ 985 000 personnes, moins de 4% de la population australienne. 

Discriminations et racisme

Des aborigènes qui sont, aujourd'hui encore, victimes de discriminations et de racisme. Souvent regroupés dans des communautés pauvres, où l'alcool et la violence font des ravages, leur espérance de vie est inférieure de huit ans à celle des autres Australiens.

Leur histoire moderne est ponctuée par une succession de combats. Les progrès se font à pas de fourmi. Ce n'est qu'en 1967, par exemple, qu'ils sont devenus des citoyens. Avant, le recensement n'en tenait pas compte, c'est tout simplement comme s'ils n'existaient pas.

Aujourd'hui l'échec du référendum ne va pas leur faciliter la tâche. Les rédacteurs de la lettre ouverte ont beau faire part de leur intention de créer leur propre "Voix" face aux "injustices" subies par leurs peuples, l'ancien Premier ministre de droite Tony Abbott s'en est servi comme prétexte pour remettre en cause la présence du "drapeau aborigène qui flotte avec le drapeau national" sur les bâtiments publics. Il ne doit pas être "à égalité", dit-il.

"L'esprit d'unité" appelé de ses vœux par le gouvernement d'Albanese, qui soutenait le "oui" au référendum, reste une utopie.

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