Sécheresse en Catalogne : les poissons du lac de Sau sacrifiés pour préserver l'eau potable
La sécheresse, qui touche déjà plusieurs départements français, n'épargne pas l'Espagne. Et notamment la Catalogne, où les réserves sont au plus bas.
En moyenne, les réserves espagnoles sont à 28% seulement de leur capacité, contre 72% en moyenne ces dix dernières années, d'après le dernier bulletin hydrologique national. Car le manque de pluie, qui touche l'ensemble de l'europe, ne date pas seulement de cet hiver, ni même de celui d'avant. Cela fait deux ans et demi que les rivières et les nappes phréatiques ne sont pas suffisamment alimentées.
Six millions de personnes, 224 communes
Le 28 février, le gouvernement catalan a décrété l’“état d’exception”, pour renforcer les mesures de restriction du plan sécheresse activé en octobre 2021. Six millions d’habitants sont concernés, 224 communes – principalement autour de Barcelone et Gérone, dans la zone du bassin des fleuves Ter et Llobregat – où tout le monde doit réduire sa consommation.
L’utilisation de l’eau à des fins agricoles est réduite de 40%, celle à des fins industrielles de 15% ; l’arrosage des parcs et jardins (publics et privés) devient interdit et l'eau ne pourra être utilisée que pour maintenir les arbres en vie – à condition qu'elle soit utilisée goutte à goutte ou à l'aide d'arrosoirs. Interdiction encore de nettoyer les rues avec de l’eau potable.
D’après la ministre locale de l'action climatique, pour “renverser le scénario actuel” "il faudrait que 50 litres de pluie par mètre carré tombent chaque jour pendant quatre mois".
Vider le lac de Sau
Trouver de l'eau, c'est comme chercher de l'or, ça conduit à faire l'impossible ! À Barcelone, l'usine de dessalement d'eau de mer tourne à plein régime, mais ça ne sera pas suffisant. Au nord de la ville, il y a un lac artificiel, le lac de Sau, réservoir d’un barrage qui s'est constitué dans les années 60 en engloutissant tout un village. Avant, on voyait juste le haut du clocher dépasser de la surface. Depuis cet été, les eaux ont tellement baissé qu'on le voit en entier – c'est devenu une attraction touristique.
SANT ROMÀ DE SAU
— Raven cogió su fusil (@RavenVRG) January 8, 2023
Pueblo de la provincia de Barcelona que desapareció bajo las aguas del río Ter, con motivo de la construcción del pantano en el año 1962. A raíz de la construcción del embalse el pueblo fue abandonado y la población se trasladó a la recién creada Vilanova de Sau pic.twitter.com/drqwVaG7Lf
Le lac n’est plus qu’à 10% de sa capacité, son niveau le plus bas depuis plus de 30 ans. Alors qu'il est rempli de carpes, de sandres, de silures et aussi d'espèces exotiques invasives, introduites en clandestinité au fil des ans. Au total, une dizaine d'espèces.
60 tonnes de poissons à vider
Si le niveau continue de baisser, les couches inférieurs d'eau risquent de se mélanger à la boue, mais surtout les poissons vont mourir asphyxiés, se décomposer et rendre l'eau impropre à la consommation.
Els estudis d'@aigua_cat han constatat que a l'embassament de Sau hi ha fins a 10 espècies de peixos, nou d'elles exòtiques i una translocada, és a dir, que no és pròpia d'aquesta concahttps://t.co/PUQU5dHTAQ
— Diari de Barcelona (@diaridebcn) March 13, 2023
L'Agence catalane de l'eau (ACA) veut donc vider le lac de ses quelque 60 tonnes de poissons, puis transférer l'eau dans un autre réservoir, celui de Susqueda. En 2005, déjà, des pêcheurs amenés sur site avaient réussi à prélever une quinzaine de tonnes de poissons.
Cinq bateaux de pêcheurs doivent être amenés du littoral pour ramasser les poissons à la chaîne. Ils seront confiés à une entreprise spécialisée dans le traitement de la biomasse qui les transformera en huile pour biocarburant et en engrais.
Les poissons transformés en engrais
La mesure fait hurler les défenseurs des animaux qui ont manifesté la semaine dernière : ils jugent que la mesure arrive trop tard et qu'on aurait pu imaginer un plan de sauvegarde des poissons plutôt que de "les exterminer". Ils dénoncent "le plus grand massacre de poissons en Europe". "Ce sont les animaux qui, les premiers, souffrent de la sécheresse" écrit Aïda Gascon, de l'association AnimaNaturalis.
❗ Van a exterminar a 60 toneladas de peces en Cataluña para evitar que contaminen el agua de un estanque.
— Aïda Gascón (@AidaGascon) March 13, 2023
Los efectos de la sequía los padecerán, los primeros, los animales.
Mientras, la mayoría de la sociedad seguirá comiendo carne cada día (el embutido también es carne).
Réponse des autorités : pas le choix. Il y a encore dans le lac de Sau de quoi alimenter un million de foyers pour trois mois. "Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ne serait-ce qu'un seul litre d'eau" dit la ministre de l'action climatique du gouvernement catalan.
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