Cet article date de plus de trois ans.

Vaccins contre le Covid-19 : la Russie championne de la communication en ligne

Les Russes ont mis le paquet pour faire de la communication autour de leur vaccin Spoutnik V depuis août 2020, notamment sur les réseaux sociaux.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le vaccin contre le Covid-19 russe, "Sputnik V". (SAVO PRELEVIC / AFP)

Une page Facebook, une chaîne YouTube, un compte Twitter à la gloire du vaccin russe à 91,6% d'efficacité... Les Russes misent sur le net pour faire de la pub de leur vaccin. Et niveau com', on peut dire que c'est moins conventionnel que ce qu'on pourrait attendre d'un secteur sanitaire.

Le community manager qui poste les messages du compte Twitter de Spoutnik V fanfaronnerait presque pour attirer un public plus jeune, plus décontracté. Il a par exemple retweeté un article qui parle d'un bar de Paris.  Avant la crise, l'établissement réputé du quartier de la Butte-aux-Cailles s'appelait Sputnik. Il se nomme désormais : Sputnik V. Son propriétaire a rajouté la lettre pour "montrer ce qu'il pense du vaccin russe". Et le compte Twitter note cette légende : "Maintenant nous savons où aller quand nous retournerons à Paris".   

Autre exemple, cette photo où l'on voit des gens heureux, qui sourient devant un avion de la compagnie Sputnik V et ce message : "Dites à vos amis de suivre ce compte Twitter, les premiers à le faire seront invités à se faire vacciner en Russie. Le programme commence en juillet !" Tweet posté le 1er avril, mais le compte assure que ce n'est pas une blague.

Le vaccin devient "un personnage en ligne"

Plus de 270 000 abonnés suivent les messages en anglais tous les jours sur Twitter. Le compte retweete surtout des articles positifs sur le vaccin et les pays qui l'ont validé (pour l'instant 59 pays). Avec ces comptes Twitter, Facebook et YouTube, note le site du journal économique Fortune, les community manager font de Spoutnik V un "personnage en ligne". Cette façon de parler d'un vaccin est "un peu inhabituelle car les groupes pharmaceutiques ont tendance à jouer la carte de la sécurité dans leur communication. Il y a des règles de marketing et de publicité strictes, notamment en Europe et aux États-Unis".  

Dès le début de l'épidémie, la Russie a beaucoup communiqué sur son vaccin. D'abord son nom, Spoutnik, référence au premier satellite au monde, fierté nationale. Ensuite sur sa validation. Spoutnik V est le premier vaccin à avoir été homologué au monde, dès le mois d'août 2020. À ce moment-là en Europe, la première vague de l'épidémie était loin derrière nous et les vaccins occidentaux loin devant. Les comptes Facebook et Twitter ont été créés dès l'été dernier. Et les Russes ont reçu leur première injection début décembre.  

L'unité européenne mise à mal

Cette communication fait partie d'une stratégie beaucoup plus large de la diplomatie russe du vaccin. Spoutnik V est disponible dans 59 pays mais en Europe ça coince. On peut même dire qu'il sape la cohésion européenne. Plusieurs pays, surtout des anciens du bloc de l'Est, ont approuvé le vaccin russe, alors que l'Agence européenne des médicaments ne l'a pas homologué. Elle pourrait le faire d'ici le mois de juin. C'est le cas de la Hongrie, la Slovaquie et la République Tchèque. L'Autriche envisage d'en commander. L'Italie, qui ne l'a pas validé, a en revanche signé un accord avec la Russie pour produire le vaccin à partir du mois de juillet sur son sol : 10 millions de doses d'ici l'année prochaine.  

Spoutnik V est accusé d'être utilisé comme un outil d'influence géopolitique en Europe, et Vladimir Poutine se délecte du manque d'unité européenne. Il s'est récemment demandé publiquement si les dirigeants européens, dans leur refus de valider son vaccin, défendaient les intérêts des citoyens ou des entreprises pharmaceutiques comme Pfizer-BioNTech et Moderna.  

La question du vaccin Spoutnik V déchire aussi le couple franco-allemand. Angela Merkel s'est dit favorable à l'utiliser. Il faut dire que les Allemands sont très dépendants du gaz russe et ne veulent donc pas froisser Moscou. Les Français eux, sont très réticents. Fin mars, Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, estimait que Spoutnik-V était un "moyen de propagande". Emmanuel Macron évoque lui des "velléités de déstabilisation et d'influence". Ce qui ne devrait pas arranger nos rapports déjà tendus avec la Russie.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.