Visas : nouveau coup de froid sur les relations entre la France et l'Algérie
L'ambassadeur de France a été convoqué mercredi 29 septembre. Le gouvernement algérien dénonce une politique de visas trop restrictive.
Les crispations commencent mardi 28 septembre, quand Paris annonce qu'elle délivrera désormais deux fois moins de visas aux ressortissants marocains et algériens, et que pour les Tunisiens, le quota sera diminué de 30%. Le tout sans cacher qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion. Car selon la France, ces trois pays ne jouent pas le jeu de la politique migratoire. Quand des immigrés en situation irrégulière ou impliqués dans des processus de radicalisation sont renvoyés dans leur pays, Rabat, Alger et Tunis renâclent : une trentaine d'individus seulement ont été acceptés depuis le début de l'année en Algérie, pour plusieurs milliers de demandes de refoulement de la part de la France.
Les chiffres de ces procédures d'expulsion enclenchées par les autorités (les "obligations de quitter le territoire français"), sont les seuls à avoir augmenté pendant la crise du Covid-19 : entre le 1er janvier et juillet 2021, 7 731 Algériens ont été visés par ces OQTF.
Réactions indignées
La Tunisie n'a pas officiellement répondu, mais le Maroc a déploré une mesure "injustifiée".
Le Maroc a pour sa part regretté la décision de la France. "Nous avons pris acte de cette décision, nous la considérons comme injustifiée" https://t.co/Uz9Pcc65hL
— Middle East Eye Fr (@MiddleEastEyeFr) September 28, 2021
Mais des trois pays du Maghreb, c'est l'Algérie qui réagit le plus violemment. Alger ne digère ni le principe, ni la méthode. Dans un communiqué, publié dès le 28 septembre, le ministère des Affaires étrangères a commencé par dénoncer une décision intervenue "sans consultation préalable avec la partie algérienne", et qui surtout "comporte l'anomalie rédhibitoire d'avoir fait l'objet d'un tapage médiatique générateur de confusion et d'ambiguïté quant à ses motivations et à son champ d'application".
Il a également déploré un "acte malencontreux qui frappe de précarité et d'incertitude un domaine sensible de coopération" entre les deux pays, avant de convoquer l'ambassadeur de France, François Gouyette, qui s'est fait notifier le 29 septembre d'une "protestation formelle".
Affaire de réduction des visas à l’Algérie : l’ambassadeur de France convoqué au ministère des Affaires étrangères
— Khaled Drareni (@khaleddrareni) September 29, 2021
Source : @Echorouk_News pic.twitter.com/xpk8fSf5aW
Pourtant, les autorités n'ont aucune raison d'être surprises : cela fait longtemps que Paris envoie des messages explicites. En novembre 2020, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a même fait le déplacement à Tunis et Alger pour évoquer cette question.
La représaille de restriction des visas était déjà dans les tuyaux, évoquée publiquement au même moment par le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune. L’attente de Paris aura donc duré presque un an.
Une décision politique ?
Pourquoi autant de colère de la part de l'Algérie ? Parce que cette mesure est un camouflet diplomatique. Alger en fait aussi une décision politique, liée au contexte de la pré-campagne pour la présidentielle, déjà dominée par la thématique de l’immigration.
On ne sait pas encore quels sont les profils qui seront ciblés par la restriction des visas ; sans doute les milieux dirigeants, premiers responsables de cette situation. Mais cela n'empêche pas l'inquiétude de monter parmi les entreprises, les étudiants, les familles qui ont l'habitude de circuler d'un pays à l'autre, et qui sont déjà très éprouvées par la fermeture des frontières qui a duré plusieurs mois pour cause d'épidémie de Covid-19. Beaucoup d'Algériens ont eu l'impression de recevoir un coup de massue, et de payer pour des enjeux qui les dépassent.
Mesure contre-productive
D'autant qu'au final, cette mesure peut se révéler contre-productive. Certains Algériens envisagent de tenter leur chance ailleurs, de chercher un autre visa Schengen du côté des consulats allemand, italien, belge ou espagnol.
C'est un mauvais signal qui ne va certainement pas encourager les investisseurs, dont l'Algérie a pourtant cruellement besoin, et qui ne va pas non plus contribuer à renforcer les liens entre les deux rives de la Méditerranée.
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