Le mot de l'éco. L’opacité des niches fiscales
D’après un rapport de la Cour des Comptes publié cette semaine, le montant des niches fiscales a pour la première fois en 2018 dépassé les 100 milliards d’euros. Rapport qui dénonce surtout l’absence de pilotage de ce maquis d'avantages fiscaux.
Des niches mais pour qui et pour quoi faire ? C'est, en résumé, le sens de ce rapport de la Cour des Comptes. La question est d'actualité puisque le gouvernement veut financer sa promesse de cinq milliards de baisses d'impôt sur le revenu notamment en supprimant des niches fiscales inutiles.
Et d’après la Cour des Comptes, Bercy a du grain à moudre. Car des niches fiscales, des avantages fiscaux destinés aux contribuables (ménages et entreprises) il y en a pléthore : 474. Les 15 plus grosses niches représentent près de 60 milliards d'euros, les deux tiers du total. On y trouve par exemple le CICE, le crédit d'impôt compétitivité emploi, le crédit impôt recherche, pour les entreprises.
Pour les ménages, il existe le crédit d'impôt pour les emplois à domicile, l’abattement de 10 % d’impôt sur le revenu sur les pensions de retraites. Sont également considérées comme des niches fiscales, le taux réduits de TVA.
161 niches ne sont pas chiffrées dans le budget
Autrement, pour un tiers des niches, on ignore combien elles coûtent. Encore plus invraisemblable, pour 222 niches fiscales, le nombre précis de bénéficiaires n’est pas connu. Certaines niches sont des micro niches. Par exemple, la réduction d'impôt sur le revenu au titre du différé de paiement pour les exploitants agricoles bénéficie à... 22 personnes ! La Cour des Comptes dresse donc cette conclusion "Les règles et effets concrets des dispositifs sont souvent méconnus, peu de niches fiscales sont évaluées" et quand elles le sont, "les outils de mesure et de suivi déployés pour contrôler leur efficacité sont défaillants".
Enjeu politique et budgétaire
La Cour des Comptes recommande de faire du tri dans ses niches fiscales. Ce n’est pas la première fois. Déjà en 2011, un copieux rapport de l’Inspection Générale des Finances, faisait les mêmes préconisations. Restées lettre morte. L’enjeu est pourtant budgétaire : supprimer des niches qui causent un manque à gagner à l'Etat mais qui ne sont pas efficaces.
Car le but de ces avantages fiscaux, c'est d'influer sur les comportements des contribuables. Par exemple, le crédit d'impôt pour l’emploi à domicile, décourage le travail au noir : il faut que votre nounou soit déclarée pour bénéficier de la réduction d'impôt. Sauf que beaucoup d'avantages fiscaux ne font l'objet d'aucune évaluation.
La Cour des Comptes s’interroge en particulier sur les niches fiscales liées à l’immobilier, à certains dispositifs spécifiques à l' outre-mer et à la Corse. Une question de courage politique ? On dit souvent que dans "chaque niche il y a un chien qui aboie". L’enjeu va pourtant au-delà de la seule question des niches fiscales : ce qui est cause, c’est l’opacité et l’extrême complexité du système fiscal français, son illisibilité qui nourrit l'incompréhension et qui, finalement, mine le consentement à l'impôt.
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