Affaire Dassault : un protagoniste raconte le "système"
Khaled a été l'un des relais les plus actifs de l'équipe Dassault dans les cités de Corbeil. Les enquêteurs prennent son témoignage au sérieux. Il a été entendu plusieurs fois par la brigade criminelle de Versailles dans le volet criminel de l'affaire Dassault. Khaled a été le témoin direct d'une tentative de meurtre en février 2013 dans le centre-ville : un règlement de comptes en lien direct avec les dons d'argent du milliardaire à Corbeil.
Depuis cet épisode, Khaled s'est mis en tête de dénoncer à sa manière le système qui l'a un moment fait vivre. Nous le rencontrons à Corbeil, dans un endroit isolé, la réserve d'un immeuble HLM, au pied de la cité des Tarterets. A ses côtés, un ami qui surveille ses arrières. Les deux hommes sont armés. "Je me sens menacé, c'est clair et précis. Quand moi j'ai travaillé dans le quartier en 2010, il y eu plusieurs rencontres aux Pinsons ( NDLR : le Clos du Pinson, la résidence de Serge Dassault à Corbeil ) avec Jean-Pierre Bechter et des proches. L'objet c'était de trouver les arrangements qu'on pouvait faire pour que les gens puissent voter pour monsieur Bechter en leur proposant de l'argent ou des logements. "
"Du sang a coulé et va couler demain "
Mais l'argent promis pour ce travail n'est pas au rendez-vous. Younes Bounouara, l'un des ex-amis de Khaled et ancien protégé de Serge Dassault perçoit près de deux millions d'euros de la part du milliardaire quand Khaled affirme n'avoir touché que 5.000 euros pour son "travail ". Younes Bounouara qui est aujourd'hui mis en examen et incarcéré pour une tentative de meurtre en février 2013 à Corbeil.
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Khaled, comme d'autres, a le sentiment de d'avoir été floué, "entubé". Ces grosses sommes, données - légalement ou non l'enquête le dira - par Serge Dassault à quelques intermédiaires n'ont pas été redistribués équitablement soupçonnent les enquêteurs. Une situation qui a entrainé des règlements de comptes confirme Khaled. "A la base tout le monde devait repartir à part égale. Les gens ont été trop gourmands. De par leur gourmandise, il y a du sang qui a coulé. Et il y a du sang qui va couler demain. Parce qu'ils continuent encore de jouer à ce jeu qui est très dangereux. Aujourd'hui en période électorale, ça continue toujours. On prend des personnes du centre-ville, trois personnes des Tarterêts, trois personnes de Montconseil, et on leur promet de l'argent. Comme on le faisait avec nous... "
Des pratiques qui se poursuivraient
Sans en fournir la preuve, Khaled évoque un système qui se poursuivrait donc aujourd'hui. Selon lui, des jeunes ont déjà pour mission de rabattre des électeurs contre rémunération. Des "rencontres-recrutements" auraient eu lieu récemment en périphérie de Corbeil, dans la ville voisine du Coudray-Montceaux notamment. Difficile à vérifier. Une source politique nous raconte la même chose.
Mais tous deux, sans être liés, sont, c'est vrai, opposés à la réélection de Jean Pierre Bechter. L'avocat de l'actuel maire de Corbeil Jean-Pierre Bechter, contacté par France Info, nous parle d'un témoignage de plus pour tenter de décrédibiliser son client en pleine campagne électorale. Officiellement pourtant, Khaled ne fait partie d'aucune liste, d'aucun mouvement sur Corbeil. Il agit seul ou avec un petit réseau d'amis de quartier.
Selon lui, Serge Dassault n'a pas de rôle direct dans ces manœuvres présumées. "Ça fait longtemps qu'il n'est plus à Corbeil. Il a un certain âge. Tout le monde se cache derrière l'aile de Serge Dassault. Ils pensent qu'ils sont intouchables. Ils vont tout prendre sur la tête. Ils pourront plus se cacher derrière Serge Dassault ", dit Khaled qui cherche à quitter Corbeil pour se protéger et protéger sa famille. Le sénateur UMP est convoqué jeudi devant les juges.
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