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Disparition du petit Mathis : son père détient la clé du mystère

Trois ans après les faits, la disparition de Mathis Jouanneau reste une énigme. Cet enfant de huit ans, dont la mère avait la garde, a été enlevé par son père en 2011 près de Caen. Sylvain Jouanneau a été arrêté quelques mois plus tard mais Mathis ne se trouvait pas avec lui. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen a finalement demandé mardi un complément d'information.
Article rédigé par Elodie Guéguen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (La mère de Mathis, l'enfant de 8 ans enlevé par son père début septembre 2011 © Maxppp)

Sylvain Jouanneau est en détention provisoire depuis plus de deux ans, mais le mystère reste entier : on ne sait toujours pas ce qui est arrivé à son fils. Et, surtout, on ne sait pas si Mathis est encore vivant. Sa mère veut garder espoir, car il n'y a pas d'aveu d'homicide, pas de corps. Mais, plus le temps passe, plus les enquêteurs tempèrent l'optimisme de la maman. Des recherches pour retrouver l’enfant ont eu lieu partout en France mais également au Maroc, en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis, en Suède, etc.  Deux appels à témoins ont aussi été lancés. Sans résultat.

  (Un avis de recherche de Mathis sur une vitrine d'un magasin de Caen © Radio France, Elodie Guéguen)

Le silence pour punir ?

Depuis qu’il est derrière les barreaux, Sylvain Jouanneau se terre dans le silence. A chaque convocation chez le juge, il refuse de répondre aux questions, raconte une source proche du dossier. Ou alors il tente de négocier avec la justice. Lors de son arrestation, il avait expliqué avoir remis son enfant à une connaissance. Mais qui est cette personne et où se trouve Mathis ? "C’est lui qui a la réponse ! répond Catherine Denis, procureur de la République de Caen. Je pense que monsieur Jouanneau se rend compte que, par son attitude de silence, il fait souffrir la mère de l’enfant et, d’une certaine manière, il met en échec la justice. "

 

Si Sylvain Jouanneau choisit le silence comme défense, c'est parce que le scénario qu'il a imaginé ne tient pas la route une seule seconde, d'après le conseil de la maman de Mathis. "Ce qui m’apparaît peu crédible, c’est que quelqu’un – la personne à qui l’enfant aurait été 'confié'-, où il se trouve dans le monde, puisse ne pas se poser de questions sur le devenir de Mathis et de son père après plus de deux années. Je ne crois pas à la bonne foi d’un ravisseur , poursuit Aline Lebret, avocate au barreau de Caen. Je ne m’explique pas ce comportement qui consiste à ne pas donner le moindre indice pour retrouver Mathis, vivant ou mort. J’attends de Sylvain Jouanneau qu’il assume tout ce qu’il a pu faire, même le pire."

  (J’attends de Sylvain Jouanneau qu’il assume tout ce qu’il a pu faire, même le pire © Radio France - Elodie Guéguen)

Séparation conflictuelle

Sylvain Jouanneau a-t-il tué son fils ? L’ancien maçon, âgé de 40 ans, jure que non. Il prétend avoir enlevé Mathis à sa mère après un divorce douloureux et une succession de décisions qui lui étaient défavorables. La justice, par exemple, ne lui avait accordé qu'un simple doit de visite. Pour son avocate, Véronique Demillière, c'est un sentiment d'injustice qui a poussé Sylvain Jouanneau à kidnapper son propre fils. "Ce dossier n’est que la conséquence d’une situation conflictuelle qui a été mal réglée , explique Me Demillière. Je n’ai aucun élément qui me laisse penser que Sylvain Jouanneau ait pu faire du mal à son fils. Sa vie, dit-elle, c’était son fils. Et bien évidemment qu’il y pense jour et nuit".

Soupçons d’infanticide

Pourtant, le scénario d’un infanticide est envisagé par les experts psychiatres. Ils évoquent le "syndrome de Médée " : le meurtre de l'enfant pour punir l'ex-conjoint. Paul Bensussan, expert auprès de la Cour de cassation, a souvent étudié ce type de cas, toujours chez des sujets masculins d’ailleurs. "Il y a des hommes qui sont trop fragiles et trop immatures pour supporter la rupture ", analyse le docteur Bensussan, expert auprès de la Cour de cassation et de la Cour pénale internationale. 

"Ils vivent la rupture comme un abandon. On sait que ces hommes égocentriques sont capables d’actes terribles, y compris lorsqu’ils sont décrits comme de très bons pères aimant leurs enfants. L’égocentrisme est comme une vague qui balaie tout sur son passage , poursuit l’expert, l’amour ressenti autrefois pour son enfant n’existe plus. Seuls comptent la rage narcissique et le désir de faire souffrir l’autre parent ."

La date d'un éventuel procès s'éloigne un peu

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Caen devait décider ce mardi du renvoi de Sylvain Jouanneau devant les assises. Finalement, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen a demandé un complément d'information. Elle souhaite que le juge d'instruction réexamine les chefs d'accusation. Pour la chambre, le père serait l'auteur principal de la "séquestration et détention arbitraire de mineur de 15 ans" et non "complice", comme l'évoquait le renvoi. La chambre ajoute également le chef "d'enlèvement de mineur" au lieu de "soustraction de mineur par ascendant pendant plus de cinq

jours". Selon une source judiciaire, la décision de la chambre de l'instruction repousse un éventuel procès à la toute fin d'année ou en 2015.

En parallèle, la justice continue d'enquêter "contre X" pour des faits d’homicide. Mais l’enquête est au point mort. La justice et la Maman de Mathis espèrent convaincre Sylvain Jouanneau, lors d’un procès, de sortir de son silence et de livrer, enfin, la clé du mystère.

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