Élevage : se réinventer pour survivre
Dans le Lot, on produit 100 millions de litres de lait chaque année. Un volume qui est resté pratiquement stable en 15 ans. Ce qui a changé en revanche, c'est le nombre d'exploitations qui lui, a chuté de 800 en 1995 à 380 aujourd'hui. Quand au lait, il se vend au même prix qu'il y a 30 ans, se désolent les éleveurs.
Les agriculteurs peinent de plus en plus à trouver quelqu'un pour reprendre leur activité. Il faut dire que les conditions de travail pénibles freinent les vocations.
La France mal préparée
D'autant que les éleveurs laitiers ne voient pas le bout du tunnel. Le prix du lait stagne quand celui des céréales, pour nourrir les bêtes, et du carburant ne cessent d'augmenter. Pour Jean-Claude Rols, producteur de lait à Lentillac Saint Blaise, les Français ne sont pas armés pour faire face à la crise. Ils ne l'ont pas anticipée.
" En Allemagne, ils s'en sortent mieux que nous parce que cela fait des années qu'ils se sont occupés d'installer des panneaux photovoltaïques sur leurs bâtiments. Cela leur fait des revenus dans le cas où il y a une crise comme en ce moment. Nous on est deux sur l'exploitation, si on n'a pas les primes PAC on n'a même pas de revenus pour un. Et pourtant on aurait du travail pour trois " , déplore-t-il.
La crise du lait
En vérité, les grands groupes laitiers sont plus prompts à aller collecter le lait dans les régions où le transport est facile. Ce qui peut-être le cas dans certaines régions d'Allemagne. Mais pas ici, dans le centre de la France. Dans ces régions vallonnées voire parfois accidentées, les laiteries ferment sans trouver de repreneurs. Certains producteurs se sont donc retrouvés sans personne à qui vendre leur lait.
Sébastien Itard est un des 26 producteurs de lait à s'être lancés dans l'aventure Cant'Avey'Lot. Il y a deux ans, leur laiterie, le GIE Sud Lait, a été dissoute. Tous étaient déjà dans une situation difficile voire catastrophique pour certains.
Une idée et un succès
Sébastien était lui-même lourdement endetté. En remettant son sort entre les mains d'un nouvel industriel, il savait qu'il irait droit dans le mur. Alors quand ses voisins sont venus lui proposer de s'associer à eux, il a placé tous ses espoirs dans le projet. " On gère la production et la commercialisation en privilégiant le circuit le plus court possible entre le producteur et le consommateur donc de moins en moins d'intermédiaires. C'est déjà une façon de se sauver. Sans passer par des industriels, sans rien attendre du système. On gère le volume du lait et les dividendes sont pour nous " , explique Sébastien Itard.
Après avoir démarré avec 1.500 euros d'investissement en 2011, sans le soutien des banques, les 26 producteurs de Cant'Avey'Lot, tous installés dans un rayon de 20 kilomètres, produisent 8,6 millions de lait par an. Un lait pour lequel ils ont créé un label qualité, le "Bleu Blanc Coeur ", et qui n'est jamais mélangé à d'autres. Et qui leur permet de dégager aujourd'hui 4,5 millions de chiffre d'affaires.
La mauvaise image des éleveurs
Le "système ", comme dit Sébastien, est de plus en plus dénoncé par les éleveurs qui souffrent de l'image qui leur colle à la peau : celle de profiteurs, de pollueurs perfusés d'aides, conduisant des tracteurs valant des centaines de milliers d'euros.
Dans ce système, on prête aux agriculteurs tout en sachant qu'avec le cours du lait ils n'auront pas les moyens de rembourser. Dans ce système, Bruxelles verse aussi des aides en fonction de la surface des exploitations, poussant les paysans à perpétuellement vouloir s'agrandir.
Revenir à l'essentiel
"Et si on mettait tout à plat ? " s'interrogent certains. Et si l'on arrêtait cette course au "toujours plus" pour revenir à l'essentiel ? Dans leur ferme de Leynhac, Sylvain Caumon et son père ont choisi de renoncer à l'agriculture intensive après la crise de la vache folle. Ils ont décidé de ne pas augmenter leur volume de production mais de la diversifier : en plus de la viande bovine, ils sont revenus à une agriculture paysane : de la volaille, des vergers, un peu de céréales...
En baissant leurs volumes, ils dégagent pourtant des marges identiques. Les Caumon considère que le rééquilibrage des productions est une des solutions pour sortir de la crise tout en maintenant le modèle traditionnel des exploitations de tailles modestes.
" La grosse aberration de la révolution verte ça a été de mettre les cochons en Normandie et en Bretagne et les céréales en Beauce et l'élevage dans le Massif Central en mettant des barrières entre toutes ces productions-là. En Normandie et en Bretagne on ne sait plus quoi faire du lisier alors qu'en Beauce on manque de matière organique. Le rééquilibrage des productions peut-être une solution à échelle nationale pour remettre des producteurs et des structures familiales donc viables et produire proprement et de manière quantitative " , explique-t-il.
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