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Le casse-tête du retrait anticipé en Afghanistan

La promesse électorale de François Hollande, c'était d'être parti d'Afghanistan fin 2012. Élu président de la République, il entend désormais confirmer au sommet de l'Otan à Chicago sa volonté d'un rapatriement anticipé d'Afghanistan. Un retrait qui laisse déjà un goût d'inachevé...
Article rédigé par franceinfo
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Les forces combattantes doivent en principe être rentrées d'ici la fin de l'année. Mais les militaires sont dubitatifs, et leurs familles trouvent ce retrait dangereux, y compris celles qui ont perdu un fils, un frère ou un mari. 83 soldats français sont morts depuis dix ans en Afghanistan, et pourtant le travail n'est pas fini.

"Ma fille de cinq ans et demi m'a demandé : il va mourir, papa ?"

Il y a comme une impression d'inachevé, alors que les femmes soulignent en général l'enthousiasme de leurs maris pour ces missions de 6 mois. "C'est LA mission, ils vont faire leur vrai métier, faire la guerre", expliquent-elles. Évidemment, c'est dangereux. "Ma fille de cinq ans et demi m'a demandé : il va mourir, papa ?" , confie Alison. "On a bien été obligé d'en parler avec elle. C'est long et en plus de l'absence, comme dans une mission habituelle, on doit gérer la peur. Si j'apprenais qu'il devait repartir, je serais certainement anéantie, mais je le laisserais partir. Ce sont des héros, nos soldats."

Car ces femmes de soldats sont avant tout solidaires. Elles se soutiennent dans l'épreuve, Alison Viaud est d'ailleurs déléguée départementale du Comité de soutien aux militaires et familles de France... Et certains en ont grand besoin. Elle, elle a vu son mari revenir, fatigué mais fier, il y a tout juste un an. Alors un retrait anticipé, "non, parce que le boulot n'est pas fini, il ne faut pas partir comme des sauvages, on a perdu beaucoup de militaires, ils seraient morts pour quoi ? Et puis c'est techniquement impossible, et dangereux."

Le retrait anticipé, un affront pour ceux qui sont tombés

Même ces familles qui ont porté plainte contre l'armée suite à l'attaque d'Uzbeen en aout 2008 (où 10 soldats avaient été tués) sont hostiles à un départ précipité. Ainsi Jean-François Buil, dont le fils Damien a été tué dans l'embuscade, redoute un retrait anticipé, comme un affront aux jeunes militaires qui sont tombés. "Fin 2012, ce n'est pas possible" , admet-il. Même s'il considère que jamais on n'aurait dû y aller.

Les militaires eux-mêmes ont émis très vite des réserves sur un retrait fin 2012. Certains ont d'ailleurs fait passer le message à François Hollande. Le retrait sera difficile, techniquement : on ne peut plus évacuer le matériel par le Pakistan, il faut l'acheminer par des avions gros porteurs russes, et comme nous ne sommes pas les seuls à partir, le ciel sera embouteillé. Cela coûtera très cher, 30.000 euros de l'heure, et les convois peuvent être attaqués.

Les troupes françaises ne combattent déjà plus

Pourtant, le retrait anticipé se fera, sans doute pas totalement avant fin 2012. Le président américain Barack Obama et François Hollande ont déjà amorcé le débat, le compromis... Les mots seront importants. "On sait que déjà, les troupes françaises ne combattent plus, et que les Américains n'ont plus de quoi imposer leur calendrier" , explique le général Jean Fleury, conseiller militaire de François Mitterrand, et chef d'Etat major de l'armée de l'air pendant la première guerre du Golfe (il a publié "Le bourbier afghan" ).

Pour lui, il y a 18 mois, il y avait encore des solutions en Afghanistan. Mais désormais, à cause des Américains, ce n'est plus possible, car ils ont fait le contraire de ce qu'il fallait. "Ils ont uriné sur les cadavres des talibans, ils ont brûlé des Corans et ils se sont rapprochés de l'Inde à la grande colère des talibans. On est donc obligé de ramener nos soldats en espérant qu'une fois les forces de l'Otan reparties, les talibans ne transformeront pas à nouveau l'Afghanistan en camp de terroristes" .

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