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Prism : sommes-nous tous sur écoute ?

C'est bien la question que l'on est en droit de se poser après les révélations d'Edward Snowden. Cet ex-consultant de la NSA, l'agence de renseignement américaine, a rendu public il y a trois semaines l'existence d'un système d'espionnage appelé Prism. Il visait officiellement les citoyens non américains avec la coopération de neuf géants de l'internet et des télécoms que sont Google, Yahoo, Facebook ou encore AOL. De quelle manière sommes-nous visés, nous internautes français ?
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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D'après les documents révélés par Edouard Snowden via le Guardian et
le Washington Post , PRISM récupérerait toutes nos données personnelles
transitant par internet via notre boite mail Yahoo, nos conversations sur Skype,
nos recherches sur Google, ou celles stockées sur des serveurs, la plupart du
temps américains. "C'est de l'espionnage en masse, les services secrets
trient ensuite à l'aide de mots-clefs pour trouver un suspect" e
xplique
Jean-Marc Manach, journaliste spécialisé dans les technologies de l'information.

Nos conversations téléphoniques seraient également concernées d'après les
dernières révélations de l'ex-consultant. La NSA aurait beneficié de la
collaboration des services secrets britanniques et intercepterait 600 millions
de communications par jour. Entre particuliers mais aussi entre professionnels.

En plus de lutter contre le terrorisme, Prism encouragerait un espionnage
économique. Les sociétés françaises n'y sont dans l'ensemble pas préparées
regrette Nicolas Arpagian, directeur scientifique du cycle "Sécurité Numérique"
à l'Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice
(INHESJ), établissement public placé auprès du Premier ministre : "Les
entreprises n'ont pas développé cette culture de sécurité, cela risque d'être
funeste dans la compétition économique qui ne fait que s'intensifier
",
explique cet expert en sécurité numpérique.


Comment lutter techniquement contre cet espionnage ?

Il n'existe pas de solution miracle mais quelques petites précautions à
prendre. Éviter d'ouvrir Facebook en même temps que sa boîte mail
professionnelle par exemple, refuser la géolocalisation, mais aussi crypter ses
données via un VPN, un logiciel de chiffrage, utiliser des logiciels libres ou
des services décentralisés.

L'une des solutions serait aussi que l'Europe propose une alternative
crédible aux géants américains du Web.


Et sur un plan légal, a-t-on des recours ?

À l'heure actuelle il n'y en n'a pas. Les entreprises américaines dépendent
de la législation de leur pays soumis au "Patriot Act" depuis les attentats du
11 septembre 2001, qui facilite l'accès aux données personnelles. "Pour agir en
justice contre le gouvernement américain, il faudrait d'abord prouver que ses  e-mails ont été captés et lus par lui, puis prouver qu'il y a eu faute ou un
agissement illégal de la part du gouvernement américain, ensuite que ladite
faute a porté préjudice à la personne en question",
explique Christopher
Mesnooh, avocat au barreau de Paris et de New York. "E nfin il faudra agir
devant les tribunaux américains pour essayer d'obtenir justice. Dans la mesure
où ce programme d'espionnage est justifié par le biais de la sécurité nationale
des États-Unis, il est très peu probable qu'un Français obtienne gain de
cause
".


Le rôle de l'Europe

La Commission européenne vient d'achever la première réglementation européenne sur la
protection des données personnelles
. Elle obligerait les entreprises étrangères
comme Google et Yahoo à se soumettre aux règles de l'Union européenne.

Le projet doit maintenant être examiné par les députés. Mais il fait l'objet
d'un intense lobbying de la part des entreprises américaines : 4.000 amendements
ont été déposés, du jamais vu.

Mina Andreeva, la porte-parole de Vivianne Reding, commissaire en charge du
dossier, espère que les députés "vont résister aux pressions des entreprises
privées, il en va du renforcement des droits des citoyens
". L'émotion
suscitée par l'affaire Prism pourrait faire pencher la balance. Si le projet est
signé d'ici la fin de l'été, il ne rentrerait pas en application avant trois ans !

Les diplomates eux-mêmes sur écoute ?

Mais l'affaire a pris ce week-end une autre tournure. Le magazine allemand Der Spiegel a révélé, document confidentiel à l'appui, que l'Union europénne elle-même était sous surveillance de la NSA. Les bureaux de Washington, des Nations Unies et du Conseil européen de l'UE seraient directement espionnés par les Américains. De quoi créer une vague d'indignation, et jeter une lumière crue sur les agissements peu avouables des services de renseignement outre-Atlantique.

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