Être envoyé spécial au Liban : les questions des auditeurs

Christian Chesnot, grand reporter, spécialiste du Proche-Orient est au micro d’Emmanuelle Daviet, la médiatrice des antennes de Radio France, pour répondre aux questions des auditeurs sur la situation au Liban.
Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Beyrouth au Liban, ce 28 septembre 2024. Des immeubles bombardés dans la nuit du 27 au 28 septembre. Depuis lundi, ces bombardements israéliens sur le Liban ont fait plus de 700 morts, et la nuit dernière, l'armée israélienne a annoncé la mort du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, 32 ans, décès confirmé par le mouvement islamiste. (BILAL JAWICH / XINHUA NEWS AGENCY / NEWSCOM / /MAXPPP)

Le grand reporter de Radio France, Christian Chesnot, revient du Liban, où il se trouvait lors de la série d’explosions des bipeurs et des talkies-walkies visant depuis le 18 septembre, des membres du Hezbollah au Liban.

Depuis la nuit dernière, l'armée israélienne a revendiqué des "frappes d'envergure" sur des "dizaines de cibles" liées au Hezbollah au Liban. Et le porte-parole de l'armée israélienne a annoncé ce matin sur franceinfo la mort, confirmée par le mouvement islamiste, du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, 32 ans.

Des auditeurs de franceinfo s’interrogent sur les conditions de travail sur le terrain pour le reporter Christian Chesnot, aux côtés d'Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France. 

Emmanuelle Daviet : Comment assurez-vous votre sécurité ?

Christian Chesnot : Alors évidemment, on est en zone de guerre, mais c’est une guerre j’allais dire, diffuse, c’est-à-dire que tout le pays n’est pas sous les bombes. Vous avez des bombardements qui sont ciblés, même s’il y a beaucoup de dommages collatéraux. Vous pouvez être à un endroit où vous voyez les F16 israéliens qui passent dans le ciel, mais il n’y a pas de bombardements.

Donc la sécurité, moi je n’avais pas de gilet pare-balles. Donc ce sont des choses très ciblées, surtout dans le sud du pays. Après moi, j’ai évité évidemment d’aller là où il y avait des bombardements, d’ailleurs, vous n’y avez pas accès puisqu’il faut un permis de l’armée pour pénétrer dans le sud.

Alors précisément, quelles sont les contraintes pour se déplacer, demandent des auditeurs ?

Les contraintes, c’est pour aller dans le sud du pays, donc, sur la zone chaude où il y a beaucoup de bombardements, il faut un permis de l’armée libanaise. Et moi, j’étais à la FINUL dans le Sud. J’ai dû passer par un contrôle à Tyr, vous avez les renseignements militaires libanais qui vous contrôlent. C’est assez fastidieux. Et puis, une fois que vous avez passé le contrôle, vous pouvez aller dans la FINUL, ou ailleurs, en fonction de vos reportages.

Christian Chesnot, on sait qu’à Gaza, 100% du territoire est une cible. Au Liban, comment ça se passe ?

C’est ça la différence : Gaza, c’est un tout petit territoire, c’est 360 km2, 20 km de large, 40 de long. Le Liban, c’est beaucoup plus grand, des grandes zones urbaines : Beyrouth, Saïda, Tyr. Et donc, encore une fois, c’est une guerre qui est volatile. On ne sait pas où ça peut se passer, vous pouvez être dans un restaurant et vous entendez une explosion ou F16 qui passe au-dessus de votre tête. Donc voilà, c’est vraiment des montagnes russes. Et donc c’est pour ça que c’est difficile à gérer, parce que le danger peut venir n’importe où, n’importe quand.

Emmanuelle Daviet : En tant que spécialiste du Proche-Orient, Christian Chesnot, par rapport à des zones de conflit où vous avez pu aller, comment cette expérience au Liban se distingue-t-elle des précédentes ? A-t-elle une particularité ?

Christian Chesnot : Justement, c'est que le danger vient n'importe où, n'importe quand. Il n'y a pas d'avertissement. Encore une fois, vous êtes dans une interview tranquillement dans un restaurant, et puis une explosion dans la rue. On l'a bien vu avec les bipeurs et les talkies-walkies. Des gens explosés littéralement dans les rues. Et si vous êtes à côté, vous pouvez être une victime collatérale.

Alors quand vous êtes dans le sud, il y a des précautions particulières avec la FINUL, parfois un gilet pare-balles, il y a des alertes, on est un peu sur le qui-vive. Mais quand vous êtes à Beyrouth, par exemple, rien ne vous prémunit contre un risque. Le seul problème, c'est d'aller par exemple dans les quartiers sud de Beyrouth, le fief du Hezbollah. Vous ne pouvez pas y aller sans une autorisation du Hezbollah. C’est-à-dire qu'il ne faut pas vous promener comme ça, avec votre micro dans la rue, vous êtes tout de suite interpellé et interrogé, etc. Donc là, pour aller faire des reportages dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, il faut passer par leur service de presse, être accompagné pour ne pas y aller tout seul.

Alors justement, lorsque vous êtes avec votre micro, faire parler les Libanais sur le Hezbollah, c'est une difficulté ou pas ?

Oui et non. En ce moment, il y a une psychose et le stress dans la société libanaise, avec tout ce qui s’est passé, les bombardements, les explosions dans les rues, etc. Alors ça dépend à qui vous vous adressez. Si vous vous adressez à des gens partisans du Hezbollah, ils vous diront du bien, et puis vous avez des opposants, donc les gens peuvent parler.

Le Liban, c’est un pays très libre. Il y a 17 communautés religieuses, plusieurs confessions, etc. Vous avez des opposants au Hezbollah chez des chrétiens, y compris aussi chez les musulmans, les chiites. Ce qui est dur, c’est d’aller dans le Hezbollah, faire parler les responsables, surtout en ce moment. Moi je devais faire des reportages dans les fiefs du Hezbollah, à la télévision Al Manar, rencontrer un député. Une fois qu’il y a eu ces explosions aux bipeurs et talkies-walkies, tout s’est arrêté, je n’ai pu rencontrer personne. Tout le monde était sous terre. Et quand vous voulez aller voir des responsables ou d’autres, c’est quasiment impossible.

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