La couverture éditoriale sur franceinfo de la situation en Iran
Franck Mathevon, directeur de l’information internationale de Radio France répond aux questions des auditeurs avec Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France.
Un auditeur en début de semaine a écrit le message suivant à la médiatrice des antennes de Radio France, Emmanuelle Daviet.
"Pourriez-vous médiatiser davantage les manifestations qui ont lieu en Iran ? Je comprends que la guerre en Ukraine soit à la Une. Mais en Iran, c’est un mouvement social sans précédent qui fait de nombreux morts chaque jour. Des femmes, et tout un peuple se battent pour leur liberté, il serait important d’en parler davantage."
Emmanuelle Daviet : Quel est votre dispositif éditorial pour couvrir la situation en Iran ?
Franck Mathevon : Le mouvement en Iran reste vraiment pour franceinfo et la rédaction internationale une priorité aujourd’hui, dans l’actualité à l’étranger. C’est un mouvement majeur, bien plus important que les précédentes contestations, sans doute même plus important que celui de 2009, après la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad. On lui accorde donc beaucoup de place à l’antenne, et notamment sur franceinfo.
On a plusieurs journalistes à la rédaction internationale qui connaissent très bien l’Iran, qui sont allés souvent dans ce pays. On a des contacts sur place, donc on recueille des témoignages à distance, mais on n’a pas la possibilité d’aller en Iran. C’est très difficile aujourd’hui d’aller dans ce pays pour un journaliste occidental, il faut un visa, des accréditations presse et il est rarissime de pouvoir obtenir ces documents, particulièrement dans ces périodes de contestation.
A quelles difficultés êtes-vous confrontés ?
La principale difficulté, c’est de ne pas pouvoir être sur place. En fait, on travaille avec un correspondant pigiste à Téhéran, mais il est iranien. Sa marge de manœuvre est limitée. Il est très difficile pour lui d’aborder certains sujets dans un pays qui réprime les contestataires et où la liberté de la presse est limitée. Donc on couvre surtout le mouvement depuis Paris, grâce à notre expertise, grâce à l’expertise des chercheurs qui travaillent sur l’Iran, grâce aux témoignages qu’on parvient à recueillir.
Et puis, les réseaux sociaux sont aussi une source importante. Beaucoup d’images y circulent. Mais quand on parvient à authentifier certaines images, c’est une fenêtre sur ce qui est en train de se dérouler en ce moment en Iran.
Dans ce contexte de difficultés, vous avez développé une manière très novatrice pour recueillir les témoignages...
Vous savez que depuis un certain temps, on a développé des moyens pour recueillir des témoignages à distance. Ça peut être tout simplement des notes vocales sur certaines applications type WhatsApp, Telegram, Signal. Et en Iran, il y a une application qui est très développée, c’est Telegram. Elle est accessible via des VPN en Iran, c’est-à-dire qu’en gros, on n’a pas la même adresse IP. On brouille l’adresse IP, donc on n’est pas exactement là où on prétend être et via le dark web, c’est-à-dire le web clandestin.
Si on déclenche cette application, Telegram, les messages sont totalement cryptés. Ça nous permet de recueillir des témoignages vraiment exclusifs. Ce n’est pas pour autant que les personnes qui nous parlent, qui témoignent sur les antennes de Radio France ne prennent pas des risques importants.
Elles ont peur de témoigner ?
Ah oui, elles ont peur évidemment, c’est très difficile d’obtenir des témoignages. La plupart des personnes nous parlent sous couvert d’anonymat et beaucoup d’entre elles refusent de témoigner et préfèrent rester silencieuses.
Se tourner vers la diaspora iranienne pour avoir des témoignages, est-ce un moyen efficace de contourner les difficultés ?
Les diasporas sont souvent une bonne source bien sûr, on invite sur franceinfo et sur les différentes antennes de Radio France, des Iraniens qui vivent en France, qui connaissent très bien le pays, la situation, qui ont de la famille là-bas, ça peut être des chercheurs, des artistes.
Mais la diaspora iranienne, c’est aussi une une constellation de mouvements parfois mystérieux. On pense par exemple à l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien, assimilés parfois à une secte. Les Iraniens exilés ont parfois quitté le pays il y a plusieurs années, plusieurs décennies donc. Leurs témoignages sont précieux, mais ils donnent une vision très parcellaire de l’Iran d’aujourd’hui.
Si vous deviez résumer en quelques mots quelles sont les différences notables avec la couverture de la guerre en Ukraine ?
La différence, on y revient, c’est qu’en Ukraine, on peut aller sur le terrain. Bien sûr, c’est une zone de guerre, c’est dangereux. Il faut se méfier de la désinformation. Il y a des difficultés logistiques, mais on peut être vraiment sur le terrain. On a des équipes en permanence en Ukraine. Au moins une ou deux équipes tout le temps sur le terrain. En Iran, c’est impossible, en tout cas en ce moment.
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