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Le rendez-vous du particulier. Réseaux sociaux, le bon coin, Airbnb : attention, le fisc a l’œil

Frédérique Schmidiger a enquêté, pour le mensuel "Le Particulier", sur les nouvelles méthodes du fisc. Train de vie, droits de succession, salaires, mouvements bancaires suspects, le contrôle du fisc change. Les agents des impôts ont accès à de nombreuses données. 

Article rédigé par franceinfo, Olivia Ferrandi
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Les réseaux sociaux sont une source informative sur votre style de vie. (illustration). (JEREMIE FULLERINGER / MAXPPP)

Il y a aujourd’hui en France 38 millions de foyers fiscaux. 900 000 sont contrôlés chaque année. Comment ce contrôle se déclenche-t- il ? Eh bien parce que le fisc est alerté par des données qu’il juge suspectes. Notamment sur les réseaux sociaux.

Frédérique Schmidiger a enquêté, pour le mensuel Le Particulier, sur les nouvelles méthodes du fisc.

franceinfo : Tout d’abord, le fisc a désormais accès à de très nombreuses bases de données

Frédérique Schmidiger : L’administration fiscale connaît évidemment les salaires versés par votre employeur ou le montant de votre retraite. Elle reçoit aussi des informations d’autres administrations comme l’Urssaf. Mais cela va plus loin. Quand vous vendez ou donnez un bien immobilier, le notaire qui rédige l’acte l’envoie automatiquement aux services fiscaux sous format électronique.

Cela alimente la base nationale des données patrimoniales. Ce qui lui permet par exemple, lorsqu’une déclaration de succession est déposée ensuite, de vérifier si l’évaluation des biens immobiliers est cohérente.

Côté épargne, le fisc dispose de la liste des comptes bancaires, livrets ou plans d’épargne, ouverts en France. C’est le fameux fichier Ficoba qui ne donne, en revanche, pas d’informations sur le solde des comptes. Et depuis 2016, il y a aussi le fichier Ficovie dans lequel les assureurs déclarent les contrats d’assurance vie ouverts en France et leur valeur, si elle dépasse 7 500 euros.  

D’ailleurs, vos dépenses peuvent aussi attirer l’œil, si vous changez brutalement de train de vie ?

Le système d’alerte des impôts signale les fortes variations, si par exemple les revenus que vous déclarez chutent brutalement ou si vos charges explosent.

Un agent des impôts peut alors creuser avec un contrôle sur pièces à partir des éléments de votre dossier. S’il a des doutes, il peut user de son droit de communication auprès de professionnels. Et s’assurer de la réalité de travaux déduits en demandant directement la facture à l’artisan qui les a réalisés. Il peut même vérifier si votre logement est bien votre résidence principale en contactant les fournisseurs d’électricité ou de gaz pour vérifier vos consommations.

Votre banquier aussi peut vous trahir. Il doit signaler les retraits ou dépôts de liquide supérieurs à 10 000 euros par mois, et plus généralement, les opérations suspectes comme des virements inexpliqués sur votre compte. Un conseiller bancaire a alerté la cellule Tracfin, à Bercy, sur une cliente qui recevait des virements chaque mois de son généreux amant. Le fisc y a vu des revenus d’activités non déclarés et elle a été redressée.  

Un changement de train de vie peut aussi se voir très nettement sur facebook ?

C’est fou ce qu’on révèle sur les réseaux sociaux à travers son profil, ses fils de discussions et surtout ses photos. Les photos peuvent trahir un train de vie qui ne correspond pas du tout aux revenus déclarés si vous posez dans des endroits de rêve aux 4 coins du monde ou au volant de voitures de luxe. Les photos ne constituent évidemment pas une preuve – vous pouvez avoir été invité par un ami ou avoir loué la grosse cylindrée - mais cela peut mettre la puce à l’oreille du fisc qui demandera des explications.

Les agents des impôts consultent déjà ces données au coup par coup. Mais le fisc devrait passer à la vitesse supérieure avec un traitement automatisé des informations ouvertes au public sur les réseaux sociaux.

Attention également au boncoin, à Ebay ou airbnb qui déclarent désormais vos revenus ?

C’est la nouveauté pour les revenus de 2019. Les plateformes comme Leboncoin ou Ebay doivent communiquer au fisc, les revenus des transactions réalisées par leur intermédiaire. Elles ne les connaissent évidemment que si le paiement se fait en ligne et pas de la main à la main.

Le but est avant tout de détecter les professionnels qui ne déclarent pas leur activité. C’est pour cela que pour les ventes de biens d’occasion, le montant ne sera envoyé au fisc que s’il dépasse 3 000 euros par an et si vous avez fait plus de 20 transactions sur leur site. Si vous avez seulement revendu dans l’année votre vélo de compétition à 3500 euros, le fisc ne le saura pas.

Attention, si vous louez un logement sur des plateformes de type Airbnb, il n’y a pas cette tolérance. Toutes les sommes touchées en 2019 seront communiquées au fisc en 2020. Dès le 1er euro perçu.  

Et puis, cela peut paraître anecdotique, mais vos cartes de fidélité peuvent vous trahir

On nous a raconté le cas d’un chef d’entreprise parti vivre en Belgique après avoir vendu sa société. Il revenait 4 jours par semaine à Paris pour voir ses enfants et ses amis et payait tout en liquide pour ne pas laisser de trace en France.

Le fisc qui avait des doutes a interrogé la SNCF. Il n’y avait pas de preuves d’achats de billets de train mais pour bénéficier des réductions, il enregistrait ses voyages dans le programme de fidélité du Thalys. Une erreur qui a révélé qu’il était toujours résident fiscal en France.

Au regard de tout cela, on peut se dire que le fisc est devenu Big Brother qui nous épie tout le temps ?

Ce qu’on peut dire en tout cas, c’est que l’administration fiscale développe des outils pour exploiter toutes les informations qu’elle détient sur les contribuables. Avec l’aide de traitements informatiques automatisés et de l’intelligence artificielle. Ce qui se révèle assez opaque.

Il reste quand même quelques gardes fous pour préserver la vie privée. Et notamment la commission nationale de l’informatique et des libertés, la Cnil, qui veille au respect de la protection des données personnelles. Selon la Cnil, ces traitements informatiques mis en place par Bercy ne doivent pas conduire automatiquement à des contrôles et à des redressements. Il faut un humain pour prendre la décision.

Dossier complet signé Frédérique Schmidiger à retrouver dans Le Particulier 

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