Le putsch de Moscou
Krioutchkov et ses complices dont les plus importants étaient les ministres de la Défense et de l'Intérieur, Dimitri Iazov et Boris Pougo (ancien chef du KGB letton) se retrouvèrent dans une maison de santé du KGB située à la périphérie de Moscou où ils se constituèrent secrètement en Comité pour l'état d'urgence.
Pendant les 15 jours suivants, ils y préparèrent un coup d'Etat destiné à empêcher la signature du traité d'union, c'est-à-dire la fin de l'URSS. Le président du KGB fit parallèlement vider deux étages de cellules de la prison principale de Moscou, Lefortovo, pour leur permettre de recevoir d'éminents prisonniers, et, dans l'éventualité où l'affaire tournerait mal, on prépara un bunker secret pour le Comité, au siège du KGB.
Le 18 août, à deux jours de la signature du traité, les conjurés tentèrent une dernière fois de convaincre Gorbatchev. En vain. Aussi lui coupèrent-ils tous ses moyens de communication et l'assignèrent à résidence, annonçant le lendemain que le président était dans l'incapacité d'assumer ses fonctions pour «raisons de santé».
Les dés étaient presque jetés
Tandis que la délégation des putschistes était envoyée en Crimée, le reste des conjurés se rassemblait au Kremlin au deuxième étage du bâtiment abritant le bureau -situé au premier étage- de Gorbatchev, pour mettre au point les détails organisant la destitution du président de L'URSS.
Le rendez-vous avait été fixé à 16 heures. Les putschistes empruntèrent tous la troisième entrée, celle qui fait face au célèbre canon du Tsar et passèrent sous le porche en fer forgé créé par le kriltso, entrée habituelle des grands boyards.
Dans le but d'effrayer ceux qui pourraient encore être indécis, le président du KGB Krioutchkov ouvrit la séance en brossant un tableau alarmiste de la situation qui régnait dans la capitale. Selon les rapports du KGB, une insurrection armée se préparait, des insurgés allaient encercler les points stratégiques de Moscou.
Les putschistes ne tardèrent cependant pas à découvrir que les vieux mécanismes autocratiques du Kremlin étaient déjà trop abîmés pour permettre un retour en arrière. Eux qui pour quelques jours disposèrent de tous les pouvoirs et de toutes les forces armées, n'ont pas coupé les liaisons téléphoniques entre Moscou et l'Occident qui fonctionnaient d'ailleurs nettement mieux qu'à l'ordinaire, pas plus que les forces spéciales du groupe Alpha ne reçurent l'ordre de donner l'assaut à la Maison blanche de Moscou, siège du gouvernement de la Fédération de Russie, et d'arrêter son président, Boris Eltsine (dont la résidence située près de la capitale était connue de tout le monde). Sur les 7.000 réformateurs que le KGB prévoyait d'incarcérer, pas un seul ne fut arrêté.
Le 21, le putsch avait échoué
Le résultat de cette "action spéciale" de la Haute police alla à l'encontre de l'objectif des conjurés : elle accéléra l'éclatement de l'Union soviétique et se solda par une humiliation sans précédent du KGB.
Eltsine s'installa alors au parlement de Russie, harangua la foule, nargua les unités de chars que la junte avait réussi à déployer dans la capitale. Entre deux rasades de vodka, il téléphonait aux directions régionales du KGB, à commencer par celle de Leningrad où officiait un certain Vladimir Poutine - qui refusa de soutenir les conjurés -, tandis que les officiers responsables du KGB déchiraient et brûlaient les dossiers les plus compromettants.
Les chars entrèrent dans Moscou sans munitions, privant de facto les putschistes du soutien de l'armée. Gorbatchev rentra à Moscou hagard. Pendant les évènements, sa femme Raïssa avait subi une attaque. Dans les rues, le drapeau tricolore des tsars avait définitivement remplacé le drapeau rouge.
L'agonie de l'Empire se prolongea quatre mois. Gorbatchev démissionna de son poste de président de l'Union soviétique le 25 décembre 1991, 17 jours après que les dirigeants russe, ukrainien et biélorusse eurent proclamé que "L'URSS avait cessé d'exister". Eltsine devint alors le maître absolu du Kremlin.
Le 23 décembre 1991 Gorbatchev et Eltsine se rencontrèrent pour régler la passation du pouvoir.
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