Le rôle des services secrets dans la Révolution russe
En 1894, Nicolas II succède à son père le tsar Alexandre III, mort prématurément. Agé de 24 ans, le nouvel empereur doit assumer le pouvoir autocratique contesté, dans un pays en pleine mutation. Le pays est touché par de nombreuses grèves qui offrent un terrain propice à l’action des deux principaux partis d’opposition : les socialistes-révolutionnaires et les sociaux démocrates.
Placée en première ligne, l’Okhrana, la police tsariste, cherche à infiltrer ces deux organisations en essayant de placer ses agents à leur tête. La gendarmerie appelle cela "la gymnastique policière de provocation". C’est un vaste réseau de collaborateurs secrets bien rémunérés.
Il n’était pas question de recruter le premier venu. Les instructions recommandaient aux services de ne négliger aucune occasion d’embaucher des militants de confiance connus et estimés de leurs camarades mais d'un caractère faible, déçus par leur parti, miséreux ou encore désignés pour la déportation. Ceux qui acceptaient de fournir des renseignements ne devaient ni renoncer à leurs convictions, ni à leur façon de vivre.
Ceci reflétait une stratégie à long terme d’utilisation de la manipulation dans le but politique. Elle fut élaborée par les hauts dignitaires de la police et notamment par son chef emblématique qui se plaisait à répéter aux jeunes officiers de gendarmerie "Messieurs, vous devez considérer l’informateur politique comme une maîtresse que vous voyez en secret. Un faux pas, une imprudence, et vous la déshonorez. "
Azev, le plus éminent de ces provocateurs
Recruté par la police tsariste au début de printemps 1893, Azev n’était pas un vulgaire mouchard, et le ministère de l’Intérieur comprit tout de suite l’importance de cette offre, si bien que de hauts fonctionnaires partirent pour l’Allemagne afin de négocier un contrat avec lui.
Les policiers ne cherchèrent pas à comprendre les raisons psychologiques poussant cet homme à offrir ses services à l’Okhrana. Ils se contentèrent d’explications simples comme la nécessité de subvenir à ses besoins et surtout la peur de ne pas pouvoir continuer ses études et de décevoir sa famille.
En réalité, ils ne soupçonnaient pas toute la complexité de cette personnalité qui avait "le besoin de dépasser les bornes, le besoin de sentir son cœur défaillir au bord du précipice et de s’y pencher jusqu’à demi corps, de jeter d’un coup d’œil au fond" . Appartenant à un milieu modeste il était prêt à tout pour prendre sa revanche sociale et ses ambitions pas connaissaient pas de limites. Il prétendait être capable "d'influencer le cours général de l’histoire européenne " en entrant dans les coulisses du pouvoir suprême.
Un double jeu
Du printemps 1893 à l’automne de 1908, ce provocateur put inscrire à son palmarès les attentats contre les plus grands dignitaires de l’Empire, gouverneurs, grands-ducs, ministres.
En informant la police, il assénait aussi de solides coups de boutoir au plus puissant parti d’opposition, socialiste-révolutionnaire (suite à ses dénonciations, plusieurs centaines de ses militants furent envoyées au bagne).
Ce double jeu eut des conséquences paradoxales. Les efforts de l’Okhrana, tout comme les activités des partis révolutionnaires aboutirent à un résultat identique : la disparition progressive des éléments les plus éclairés de l’autocratie.
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