Coronavirus : Agnès Buzyn a-t-elle sous-estimé le risque de propagation en France ?
L'ancienne ministre de la Santé est accusé d'avoir déclaré fin janvier que le risque de propogation du coronavirus était "quasimment nul" en France. C'est vrai, mais le contexte de l'époque était bien différent.
C'est une vidéo largement partagée ces derniers jours sur les réseaux sociaux. On y voit Agnès Buzyn affirmer que "le risque d'importation [du virus] depuis Wuhan est pratiquement nul" et que "le risque de propagation est très faible".
«Le risque d’importation depuis Wuhan est quasi nul, le risque de propagation du #coronavirus dans la population est très faible»
— Marcel Aiphan (@AiphanMarcel) March 2, 2020
C’était le 24 janvier, elle avait mis des affiches
Maintenant, #Buzyn veut qu’on se tape les coudes#Municipales2020 #COVID19pic.twitter.com/rYIrKrQx5H
Une déclaration utilisée dans le débat public pour dénoncer "un amateurisme" ou une sous-estimation des risques de la part du gouvernement. Sauf qu'il faut replacer le discours de l'ancienne ministre de la Santé dans le contexte de l'époque pour comprendre pourquoi Agnès Buzyn a fait cette déclaration.
Fin janvier, l'OMS espérait que la Chine stoppe la diffusion du virus
Cette intervention d'Agnès Buzyn a bien eu lieu le vendredi 24 janvier. On est en début d'après-midi à la sortie du Conseil des ministres. A ce moment-là, le coronavirus semble essentiellement toucher la Chine avec 800 malades avérés et 27 morts. D'autres cas étaient signalés dans six autres pays mais il s'agissait alors de personnes qui avaient voyagé dans la région de Wuhan, premier foyer de l'épidémie. Il n'y avait à ce moment-là aucun cas déclaré au sein des pays de l'Union européenne.
Par ailleurs, ce nouveau virus était encore largement méconnu, notamment en ce qui concerne sa contégiosité et sa mortalité. De son côté, l'OMS espérait alors que les mesures prises par la Chine suffiraient à "stopper la transmission" et estimait qu'il était encore "trop tôt pour déclarer l'urgence internationale". En clair : au moment où elle prend la parole, Agnès Buzyn pouvait difficilement anticiper que six semaines plus tard, la France compterait plus de 1000 cas avérés et 19 morts.
Le risque d'importation était estimé entre 5% et 13%
Mais c'est aussi parce qu'il y avait alors beaucoup de paramètres inconnus que la déclaration d'Agnès Buzyn peut surprendre. Ce jour-là, la ministre de la Santé dit s'appuyer sur "des analyses de risques d'importation modélisés régulièrement par des équipes de recherche". En l'occurrence, ce 24 janvier en début d'après-midi, une équipe de l'Inserm a publié "un modèle pour estimer le risque d'importation de l'épidémie en Europe".
Les chercheurs ont fait des estimations de risque en se basant sur les données des flux aériens entre les pays de l'Union européenne et les régions chinoises touchées. Ils ont alors réalisé deux scénarios, "celui d'un faible risque de diffusion et celui d'un risque élevé". Résultat : pour la France, le risque d'importation était estimé entre 5% et 13%. Il n'y avait donc effectivement, en théorie, un faible risque de diffusion à l'intérieur de nos frontières.
Trois premiers cas quelques heures après la déclaration d'Agnès Buzyn
Sauf que quelques heures après la publication de ces estimations et la déclaration d'Agnès Buzyn après le Conseil des ministres, le ministère de la Santé a annoncé officiellement la présence de trois premiers cas de coronavirus en France, les premiers au sein de l'Union européenne.
Mais comme le disait à l'époque Vittoria Colizza, à la tête de cette équipe de l'équipe de recherche qui a modélisé le risque de diffusion : "nos résultats ne sont pas des prédictions, ils permettent simplement d'identifier là où se situe le risque et là où il faut déployer des moyens de surveillance".
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