Drogues : n'y a-t-il "aucune campagne de sensibilisation aux dégâts" de la consommation de stupéfiants ?
Plusieurs personnalités politiques de droite ou d'extrême-droite regrettent l'absence, selon eux, de campagne de sensibilisation contre les drogues. "On fait des campagnes contre l'alcool au volant mais est-ce que vous avez souvent vu des campagnes contre ce que peut produire la banalisation de la consommation de drogue ?", interrogeait Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur, vendredi 1er novembre sur BFMTV. "On ne l'a quasiment jamais fait", ajoutait-il.
Opinion partagée par Louis Aliot, le maire Rassemblement national de Perpignan, lundi 4 novembre, sur Sud Radio. "Ce qu'on ne fait pas en France, et je me suis toujours posé la question de savoir pourquoi, c'est qu'il n'y a aucune campagne de sensibilisation aux dégâts de la consommation de stupéfiants, quels qu'ils soient", déplorait l'élu. Pourtant, des campagnes, il y en a bien eu.
Une quinzaine de campagnes depuis les années 1980
Hasard du calendrier, le ministre de l'Intérieur et le maire de Perpignan font ces déclarations alors que la Mildeca, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, vient de rediffuser à la fin du mois d'octobre une campagne de sensibilisation aux risques liés à l'usage de cocaïne. Quatre vidéos montrant deux femmes faire une crise cardiaque, un homme devant être hospitalisé après un saignement de nez et un autre homme provoquant un accident de la route après avoir pris de la cocaïne.
En faisant une simple recherche sur internet, le Vrai ou Faux a trouvé plus d'une quinzaine de campagnes contre la drogue depuis les années 1980. La première date de 1986 et s'appelait "La Drogue, c'est de la merde". Elle montrait un jeune homme empêcher une jeune femme de prendre de la drogue et jeter les stupéfiants dans les toilettes.
Il est vrai que toutes ces campagnes ne montrent pas directement les "dégâts" liés à la consommation de drogues, mais certaines le font bel et bien. La campagne "Drogue : ne fermons pas les yeux" de 2009, par exemple, mettait en scène un dealer en train de se moquer de ses clients. À celui qui vient acheter de l'ecstasy, il dit : "en tout cas, ça s'appelle la pilule du bonheur. Enfin, surtout pour moi, parce que pour toi ce sera surtout la pilule de la gerbe, de la tête dans le caniveau. La pilule de l'arrêt cardiaque", avant d'éclater de rires.
On peut aussi citer les campagnes "Derrière la fumée" et "Histoires de joints", en 2021. La première ressemble sensiblement à celles qui ont été citées avant: des spots publicitaires montrant des problèmes provoqués par l'usage de cannabis, comme l'échec scolaire, les accidents domestiques à cause du manque de surveillance des enfants par les parents consommateurs de drogues et les violences. La deuxième est plus pédagogique et vise à déjouer les idées reçues sur la prise de cannabis, en parlant notamment des conséquences négatives de la fumette sur la santé mentale.
L'efficacité des campagnes de prévention en doute
Mais l'efficacité de ces campagnes est mise en cause. Voir, "ces campagnes semblent inutiles en France", souligne un article paru dans la revue scientifique Psychotropes en 2014, signé notamment par Jean-Michel Costes, un socio-épidémiologiste qui était alors directeur de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. "Le cas français est une pleine illustration de cette absence évidente d’efficacité. Les campagnes grand public sur les drogues en France ont accompagné la progression régulière du phénomène des usages de drogues au cours des 25 dernières années", expliquait-il. "Outre la faible efficacité attachée généralement à ce type d’intervention, le cas français est aussi exemplaire de ce qu’il ne faut pas faire en ce domaine : faiblesse de préparation et de cadrage conceptuel, absence d’objectifs clairs et mesurables, pas de continuité, peu ou pas d’évaluation", continuait-il.
Jean-Michel Costes reprochait notamment aux campagnes françaises de ne pas avoir défini d'objectif clair, certaines visant la consommation de drogue en général, d'autres les usages problématiques uniquement. En 2023, Santé publique France a lancé la campagne "C'est la base". Une campagne plus positive, visant à réduire les comportements à risques. Elle ne parle pas d'arrêt cardiaque et elle conseille, par exemple, de boire de l'eau quand on consomme des drogues dures. Campagne saluée par l'association Fédération Addiction, qui rassemble des professionnels du secteur, selon qui la pédagogie est plus efficace que la culpabilisation.
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