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Le vrai du faux. Non, il n'y a pas "beaucoup de pays" qui créent des apatrides en privant des jihadistes de leur nationalité

Aurélien Accart passe au crible un fait repéré dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce mardi, les propos de l'eurodéputé (RN) Nicolas Bay sur les pays qui n'hésitent pas à déchoir de leur nationalité des jihadistes présumés, quitte à en faire des apatrides.

Article rédigé par franceinfo, Aurélien Accart
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Nicolas Bay, invité de franceinfo le 3 juin 2019. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Que pense Nicolas Bay de la condamnation à mort, en Irak, de onze Français et d'un Tunisien, pour appartenance au groupe terroriste Etat islamique ? En substance, que ce n'est pas à la France de commenter une décision de justice d'un autre pays, mais surtout, que ces jihadistes condamnés en Irak devraient être déchus de leur nationalité française depuis longtemps. Sauf que cela reviendrait à en faire des apatrides. Pas un problème pour Nicolas Bay, qui parle d'un "complexe" que la France ne devrait pas avoir, sur franceinfo lundi 3 juin.

Beaucoup de pays n'ont pas ces complexes là et quand ils ont des gens qui participent à des filières du jihad, ils n'hésitent pas à les déchoir de leur nationalité, même s'ils créent des apatrides

Nicolas Bay

sur franceinfo

Sauf que c'est très largement exagéré de parler de "beaucoup de pays". Tout comme ça l'est aussi de dire qu'ils n'"hésitent pas". Cette question de l'apatridie est même très souvent un casse-tête juridique.

En Europe, il n'y a qu'au Royaume-Uni que c'est possible. Il y a même eu un cas très récemment : celui de Shamina Begum, une Londonienne partie en Syrie début 2015 et qui a émis le souhait de rentrer, sans exprimer de regrets. Londres vient de la déchoir de sa nationalité. Elle n'était que britannique. Elle est donc - de fait - devenue apatride, ce qui n'est pas sans susciter une controverse outre-Manche. Cela contredit les engagements internationaux du Royaume-Uni, qui a ratifié la convention des Nations unies de 1961. Un texte ratifié par une quarantaine de pays, qui interdit de créer des apatrides.

En France, impossible de créer des apatrides

Un texte qu'a seulement signé la France, sans jamais le ratifier, et qui donc n'est à première vue pas contraignant. Mais chez nous, on a inscrit cette règle, dans le Code civil. Il s'agit de l'article 25, qui précise qu' "un Français qui a été naturalisé peut être déchu de la nationalité française - sauf si cette déchéance a pour résultat de le rendre apatride". Créer des apatrides, c'est possible théoriquement aux Etats-Unis, mais dans les faits, les garde-fous sont tels que cela en devient très compliqué. Ca ne peut concerner que des personnes naturalisées, qui ont commis un délit avant de devenir des citoyens américains, et en aucun cas des citoyens nés américains.

Les pays qui ont massivement créer des apatrides ces dernières années l'ont fait pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le jihad, comme le note le dernier rapport d'Amnesty International. Il s'agit du royaume de Bahreïn, qui a créé 150 apatrides d'un coup en 2015, parmi les opposants au pouvoir, ou encore du Koweït. Là aussi des opposants politiques ont été déchus de leur nationalité, et sont devenus apatrides.

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