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Le vrai du faux. Y a-t-il vraiment eu cinq fois plus de tirs mortels de policiers à la suite d'un refus d'obtempérer depuis la loi de 2017 ?

Le députée européen Yannick Jadot affirme que le nombre de décès après un tir de policier contre un véhicule en mouvement a été multiplié par cinq après la loi de sécurité publique de 2017.
Article rédigé par Mathilde Bouquerel, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le députée européen EELV Yannick Jadot était l'invité du 8h30 franceinfo jeudi 29 juin 2023. (FRANCEINFO)

Au lendemain d'une troisième nuit d'émeutes un peu partout en France après la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier, de nombreux politiques évoquent la question du nombre de tirs mortels par des policiers après un refus d'obtempérer, notamment depuis la loi de "sécurité publique" de 2017. Ce texte assouplit l'usage des armes à feu par les policiers. Selon le député européen Yannnik Jadot, invité de franceinfo jeudi 29 juin, avec cette loi, le nombre de ces tirs mortels a très fortement augmenté. "Depuis cette loi, selon les chercheurs, il y a eu cinq fois plus, cinq fois plus de tirs mortels sur des personnes qui sont dans des véhicules", affirme-t-il.

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En réalité, il n'existe pas de chiffres officiels. Il y a bien un rapport de l'IGPN publié en 2021 qui répertorie les tirs de policiers sur des véhicules en mouvement, c'est-à-dire après un refus d'obtempérer. Mais ce rapport ne détaille pas les tirs mortels et non-mortels. franceinfo a donc contacté le ministère de l'Intérieur pour obtenir ces chiffres, qui nous a répondu que ces chiffres étaient "en train d'être compilées".

Une étude à prendre avec précaution

Le chiffre avancé par Yannick Jadot vient d'une étude publiée l'année dernière dans la revue de sciences humaines Esprit, réalisée par trois chercheurs, issus du CNRS, de l'université de Lille et de l'université de Grenoble. Les chercheurs ont analysé le nombre de décès causés par des tirs de policiers sur des véhicules en mouvement entre septembre 2011 et février 2017, date à laquelle la loi a été adoptée, puis entre mars 2017 et août 2022. Cette étude révèle qu'avant la réforme, le nombre de décès causés par des tirs de policiers sur des véhicules en mouvement était de 0,06 par mois en moyenne et qu'il est passé à 0,32 après l'adoption du texte. C'est donc un peu plus de cinq fois plus, comme l'affirme Yannick Jadot. 

Cette étude est à prendre avec précaution car les chercheurs se sont appuyés, entre autres, sur une base de données réalisée par le média en ligne Basta qui a compilé le nombre de morts à la suite d'une action des forces de l'ordre sur une période qui va de 1977 à 2022. Or, Basta n'est pas une source officielle. C'est un média, clairement marqué à gauche, et qui donc n’est pas neutre. Cependant, le travail de recensement de Basta est le seul qui existe sur le sujet, et la méthodologie utilisée par les auteurs est détaillée et en accès libre.

Pour autant, il est possible de prouver un effet de la loi de 2017. Le dernier rapport de l'IGPN, montre bien un pic du nombre de tirs (mortels ou non-mortels) sur des véhicules en mouvement pour l'année de l'adoption de la loi de sécurité publique. Il y en a eu 202 contre 137 l'année précédente, en 2016. Ce nombre décroît ensuite lentement : 170 en 2018, 153 en 2020, pour revenir au niveau d'avant loi, avec 138 tirs comptabilisés en 2022.

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