Mort d'un agent municipal à Grenoble : Éric Piolle a-t-il parlé de "balle perdue" et d'un "accident de la circulation" ?

Le maire écologiste de Grenoble est accusé par des personnalités politiques de droite et d'extrême droite d'avoir dit que le meurtre d'un agent municipal dans sa ville était une "balle perdue" et un "accident de la circulation". Or, Éric Piolle n'a pas dit ça.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le maire de Grenoble Eric Piolle visite le 60e Salon International de l'Agriculture (SIA - Salon de l'Agriculture), Porte de Versailles. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)

Après le meurtre par balles d'un agent municipal dimanche à Grenoble, les propos d'Éric Piolle sont scrutés de près. La droite et l'extrême droite accusent le maire écologiste de Grenoble d'avoir minimisé les faits. "Les propos d’Éric Piolle sur le fait que 'personne ne serait à l’abri d’une balle perdue' sont inadmissibles", a écrit Christian Estrosi, le maire Horizons, ex-Les Républicains, de Nice, sur le réseau social X. "L'agent municipal est mort de deux balles dans le thorax et le maire parle 'd'accident de la circulation'... Je n'en peux plus d'entendre ça !", s'exclame Gilbert Collard, l'ancien soutien d'Éric Zemmour à la dernière présidentielle, sur X. Mais les propos d'Éric Piolle sont totalement détournés.

Des propos sortis de leur contexte

Les expressions "balle perdue" et "accident de la circulation" ont bien été prononcées par Éric Piolle dans une conférence de presse pendant laquelle il réagissait à la mort de l'agent municipal Lilian Dejean. Mais, en les employant, il ne parlait pas du meurtre.

Au début de cette conférence de presse diffusée notamment par BFMTV, visiblement très ému, l'élu qualifie au contraire le meurtre de l'agent municipal d'acte "intolérable" et de "crime atroce". Il dit que "les mots manquent" pour parler de cette "violence débridée" et regrette que "les agents du service public [soient] les réceptacles de cette violence qui monte dans la société".

Quelques instants plus tard, une journaliste l'interroge sur les règlements de compte, réorientant le propos de la conférence de presse vers un propos plus général. Voici sa question : "Il y a beaucoup de faits divers à Grenoble dans les cités, des règlements de compte même si on ne sait pas, là, si c'est un règlement de compte, si la personne est connue des services de justice. Cette fois c'est un civil. Par rapport à cela, comment vous voulez réagir ?"

Le maire de Grenoble répond ceci : "Ça peut vous arriver. Encore là au début de l'été je me suis porté sur les lieux de deux accidents et on ne sait jamais ce qui peut arriver quand on se porte comme ça. Cet acte citoyen. Là, il se trouve que ça n'a à la fois rien à voir avec les règlements de compte au sein du trafic et à la fois ça a tout à voir parce que comment se fait-il que l'on soit armé dans la rue et qu'on soit suffisamment décérébré pour tirer à 7h du matin sur quelqu'un qui est venu vous porter secours ? Évidemment que la colère est énorme et que cette diffusion des armes dans la société française génère des accidents dramatiques comme celui-là et la mort de quelqu'un qui était au service de l'intérêt général."

"En France ou beaucoup à Grenoble ?", demande un autre journaliste. Et c'est à ce moment-là que l'élu écologiste parle de "balle perdue" et d'un "accident de la circulation". Il dit : "Partout. J'ai reçu plein de messages de maires de partout en France. J'ai reçu aussi un message du président de la République qui témoignait son soutien dans ce service public en deuil. Nous savons que personne n'est à l'abri d'une balle perdue et c'est notre peur quotidienne dans les règlements de compte." Puis il ajoute : "Mais il se trouve que c'est un sujet totalement déplacé, décalé puisqu'il s'agit d'un accident de la circulation."

Éric Piolle va saisir l'Arcom

Remettre les propos d'Éric Piolle dans leur contexte permet de voir qu'il n'a pas désigné le meurtre de l'agent municipal de "balle perdue". Il répondait à une question générale, parlait spécifiquement des règlements de compte dans sa ville, et il a lui-même estimé qu'il s'agissait d'un "sujet totalement déplacé" puisque Lilian Dejean n'a pas été tué lors d'un règlement de compte.

De même, quand il parle d'un "accident de la circulation", il ne fait pas référence au meurtre en soi mais au contexte du crime. En effet, l'agent municipal a été témoin d'un accident de la circulation, il est intervenu, a essayé d'empêcher le conducteur d'une voiture de s'enfuir et, selon les premiers éléments de l'enquête, c'est cet homme qui est soupçonné de l'avoir tué par balles. Homme toujours en fuite à l'heure de la rédaction de cet article.

D'autres internautes critiquent également l'emploient de l'expression "accidents dramatiques" dans la phrase : "Cette diffusion des armes dans la société française génère des accidents dramatiques comme celui-là." Une formulation maladroite qui embrouille un peu les faits, mais à pondérer au regard des autres propos du maire qualifiant les faits de "crime atroce" et de son émotion visible pendant la conférence de presse.

Éric Piolle a réagi à la polémique mardi matin sur BFMTV. Il a dénoncé une fausse information et a annoncé saisir l'Arcom, le gendarme de l'audiovisuel, contre "les médias de Bolloré" qui ont participé à sa diffusion. Cnews a notamment écrit dans l'un de ses bandeaux "E. Piolle : 'Personne n'est à l'abri d'une balle perdue'", sans aucun contexte. L'intervieweuse Sonia Mabrouk a véhiculé la fausse information dans sa "Grande interview", diffusée simultanément sur Cnews et Europe 1, aussi bien mardi 10 septembre que mercredi 11 septembre.

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