Vrai ou faux
Les robots désherbants permettent-ils de réduire de 70 à 80% l'utilisation de pesticides, comme l'affirme la ministre de l'Agriculture ?

Selon Annie Genevard, les robots désherbants, qui utilisent l'intelligence artificielle pour reconnaître les mauvaises herbes et les éliminer une par une, permettent de réduire l'utilisation de pesticides jusqu'à 80%. Ce chiffre est très exagéré.
Article rédigé par Mathilde Bouquerel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La Ministre de l'Agriculture, de la Souverainete alimentaire et de la Foret Annie Genevard quitte le Conseil des ministres du 6 novembre 2024 au Palais de l'Elysée. (ANTONIN BURAT / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Alors que la France est engagée dans la stratégie Ecophyto, dont l'objectif est de réduire l'utilisation de pesticides de 50% d'ici 2030, les spécialistes étudient toutes les options pour diminuer les intrants chimiques dans les cultures. Parmi elles : l'utilisation de robots désherbants. Et d'après la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, ces robots pourraient bien être la solution pour se passer de produits chimiques dans les champs. "Il y a des machines qui peuvent traiter quasiment au brin d'herbe les mauvaises herbes qui perturbent les productions, affirme-t-elle,. Ils réduisent de 70 à 80% l'utilisation des produits phytosanitaires."

Il y a du vrai et du faux dans cette affirmation. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a bel et bien des machines capables de désherber les champ mauvaise herbe par mauvaise herbe. Il existe deux types de ces robots désherbants. Les premiers pratiquent ce qu'on appelle la pulvérisation de précision. Grâce à l'intelligence artificielle et un système de caméras, ces robots reconnaissent la mauvaise herbe et pulvérisent quelques gouttes de produits directement sur elle. Le deuxième type de robot pratique le désherbage mécanique, toujours grâce à l'intelligence artificielle et à l'aide d'un laser qui brûle les mauvaises herbes une par une.

L'efficacité des robots varie beaucoup d'une parcelle à l'autre

En revanche, le chiffre avancé par Annie Genevard est très exagéré. franceinfo a contacté la ministre, qui explique que ce pourcentage vient d'un article de la presse récente, qui parle du premier type de robots désherbants, ceux qui pratiquent la pulvérisation de précision. Or, l'efficacité de ces robots dépend beaucoup d'une parcelle à l'autre. C'est ce qu'explique Xavier Reboud, directeur de recherche à l'Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, et vice-Président de l'association Robagri.

Cela dépend d'abord de l'état du champ traité. S'il y a peu de mauvaises herbes sur la parcelle, la pulvérisation de précision sera très rentable, mais elle le sera beaucoup moins si la parcelle est envahie de plantes indésirables. De même, des facteurs comme la topographie de la parcelle ou le climat peuvent perturber le fonctionnement du robot. Enfin, la précision des systèmes de détection de ces robots précision "peut être affectée par les conditions de luminosité, l’encombrement végétal, et le positionnement des capteurs, surtout dans des cultures denses ou irrégulières", explique Xavier Reboud, début novembre. Le chercheur estime donc ces machines permettent de réduire en moyenne de 25 à 30% l'utilisation de pesticides et non de 70 à 80% comme l'avance la ministre. 

Des robots inefficaces contre les insectes et champignons

Par ailleurs, attention : les robots à pulvérisation de précision comme de désherbage mécanique ne sont utiles que contre les mauvaises herbes, pas contre les champignons ou les insectes. Pour lutter contre ces deux ravageurs de culture, il faudra encore ajouter des pesticides.

L’utilisation de ces robots est encore très confidentielle en France. Toujours selon Xavier Reboud, il y en a environ 500 dans tout le pays. Cela s'explique notamment par le prix de ces machines : autour de 100 000 euros pour le robot Ara de l'entreprise Ecorobotix, par exemple. À cela s'ajoutent le coût de la maintenance et un investissement de temps pour les agriculteurs. Florient Rançon, enseignant-chercheur l'université Bordeaux science-agro, explique ainsi que les exploitants doivent d'abord cartographier précisément leur parcelle pour permettre au système GPS du robot de se repérer.

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