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Vrai ou faux
Un homme qui tue sa conjointe peut-il hériter de son patrimoine ?
"LUNAIRE ! Aujourd'hui, un homme qui tue sa conjointe peut hériter de son patrimoine ! ", écrit sur X (anciennement Twitter) le député La France insoumise Antoine Léaument. L’élu de l’Essonne s’exprime sur le sujet à l’occasion d’une proposition de loi du groupe Modem "visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille ". Il accompagne sa publication d’une vidéo de son intervention en commission, le 10 janvier dernier. Sa publication a beaucoup fait réagir : certains internautes crient au scandale, dénonçant une loi "incongrue" qui "protège l’assassin", d’autres au contraire assurent que le député LFI raconte n’importe quoi et que la loi interdit déjà à un conjoint condamné pour assassinat de toucher l’héritage de sa conjointe. Qu’en est-il vraiment ? Ce qui dit Antoine Léaument est-il vrai ou faux ?
Le conjoint condamné est considéré comme "indigne" et ne touche pas d'héritage
Dit comme ça, c’est faux, mais il existe en effet une exception. Commençons par le cas général, celui d’un couple marié sous le "régime de la communauté", le régime matrimonial le plus répandu, quand le couple n’a pas signé de contrat de mariage chez le notaire pour discuter de dispositions particulières. En cas de meurtre, d’assassinat, ou en cas de "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner", le conjoint condamné est considéré, sur décision d’un juge, comme "indigne". Il est alors "exclu de plein droit" de la succession, comme l’indique l’article 726 du code civil. Il ne touchera aucun héritage. Même si le couple avait rédigé un testament à part, le conjoint ou la conjointe condamné(e) ne touchera rien. Cela vaut aussi d’ailleurs pour les couples non mariés, qui avaient signé un testament.
L'exception de l'avantage matrimonial
Il existe néanmoins une exception. Certains couples décident de passer chez le notaire pour signer un contrat de mariage et s’accorder sur des dispositions particulières. Parmi eux, certains optent alors pour un "avantage matrimonial". Cela peut permettre aux époux de verser une part importante de leur patrimoine à leur conjoint ou conjointe quand ils meurent. Or, le meurtre ou la tentative de meurtre ne fait pas partie des motifs valables pour lever cet avantage matrimonial, comme le stipule l’article 265 du code civil, confirmé par la jurisprudence, dans une décision rendue par la cour de cassation en 1998. Un conjoint, ayant conclu un contrat de mariage avec un avantage matrimonial, et qui tue sa conjointe peut donc, en l’état de la loi, continuer à profiter des avantages matrimoniaux que lui procure son contrat de mariage, il peut profiter de tout ou partie du patrimoine du couple.
Dans le cas précis du régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint survivant, l’époux condamné pour meurtre sera même propriétaire de tout le patrimoine du couple, au détriment des enfants.
Il est difficile de mesurer combien de couples sont concernés par cette situation. Moins d’un quart des couples mariés rédigent un contrat de mariage et parmi eux, une minorité opte pour un "avantage matrimonial". Mais tout de même, les députés Modem souhaitent, dans leur proposition de loi, remettre en cause cette "incohérence législative" et "mettre fin à ces injustices". La proposition de loi "visant à assurer une justice patrimoniale au sein des familles" porte entre autres là-dessus. Elle sera examinée jeudi 18 janvier à l’Assemblée nationale. Le député insoumis Antoine Léaument s’est justement dit favorable au texte.
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