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"Babylon" : Hollywood, bûcher des vanités

Lorrain Sénéchal évoque les sorties cinéma de la semaine avec Thierry Fiorile et Matteu Maestracci : "Babylon" de Damien Chazelle et "Youssef Salem a du succès" de Baya Kazmi.
Article rédigé par Thierry Fiorile, Matteu Maestracci
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Babylon" de Damien Chazelle. (PARAMOUNT PICTURES)

Babylon de Damien Chazelle nous replonge dans le faste et dans la décadence du Hollywood des années 1920. Au moment où le cinéma muet vit dans l'insouciance la plus totale ses derniers moments, quand Hollywood n'était pas encore une industrie, avec ses banquiers venus de la côte-est, après la crise de 29, ses majors et son code de vertu, qui feront du cinéma américain pour une longue période une usine à rêve, à divertissement, menée par des hommes blancs.

Avant cette révolution amenée par le parlant, Hollywood danse au bord du volcan, et le film s'ouvre sur une très longue scène de fête chez un producteur, aussi riche que gros, et abuseur de jeunes starlettes ; alcool, drogue, sexe, c'est démesuré, outrancier et jubilatoire pour le spectateur. Dans ce barnum, un acteur vedette, Brad Pitt, une jeune femme venue du ruisseau, Margot Robbie, prête à tout pour réussir, et un Mexicain, Diego Calva, qui veut sa part du rêve.

Le scénario s'inspire de protagonistes de l'époque, comme John Gilbert et Clara Bow, stars déchues par l'arrivée du parlant. Damien Chazelle montre ce moment-bascule, qui évoque la situation actuelle d'Hollywood. Comme dans ses films précédents, notamment Whiplash et La La Land, Damien Chazelle est obsédé par la part d'ombre du succès, le prix à payer pour la gloire, et ses personnages dégringolent dans une longue agonie, sans doute trop longue, même si Brad Pitt et Margot Robbie offrent des performances de haut vol.

Ce qui est rassurant, c'est qu'une major américaine ose encore faire un film comme ça, qui a coûté cher ; ce qui l'est moins, c'est qu'il n'a pas du tout marché aux États-Unis, où le public ne veut plus voir des films d'auteur en salles, même si c'est du grand show.

Youssef Salem a du succès de Baya Kazmi

Ramzy Bedia est Youssef Salem, un écrivain d'origine arabe et dont la famille est installée à Port-de-Bouc près de Marseille. On retrouve ici le concept classique de l'auteur, qui puise dans sa propre vie et celle de ses proches, pour écrire un livre, mais dont il soutient que non, ce n'est pas une autobiographie.

L'occasion pour le duo Baya Kasmi - Michel Leclerc de poser à nouveau sa patte sur le film, son écriture et ses personnages. C'est jubilatoire, pertinent, faussement bordélique et intelligemment cynique, les dialogues, souvent vachards, sont parfaits. Et sur le fond, ça pose aussi la question de l'artiste – qui plus est, d'origine étrangère – qui est trop "écrivain parisien" pour sa famille, et trop "arabe" pour le petit monde parisien de l'édition ; un paradoxe représenté par les trajets en train de Youssef Salem entre Paris et Marseille. Ramzy Bedia est une nouvelle fois impeccable, avec ce mélange de présence enfantine et d'assurance, toujours dans une sorte de décalage, que l'élasticité de son corps de grand dadais permet aussi.

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