Les Pourquoi. Pourquoi "Le Figaro" s’appelle-t-il "Le Figaro" ?
Faites un tour au kiosque. Un journal sérieux a un nom sérieux : "Le Monde", "La Croix", "L’humanité", "Le Parisien", "L’Équipe", "Le Progrès", "Le Soir", "Le Matin". Voire un nom géographique : "La Montagne", "Ouest-France", "Sud-Ouest", "Le Dauphiné", etc. Or Figaro est un nom propre. "Le Figaro" : pourquoi pas "Le Figolu" ou "Le Scoubidou" ?
A son origine, Le Figaro fut une feuille satirique
Fondée en 1826 sous la Restauration, elle se moquait de la censure. Voici ses fondateurs : Étienne Arago n’est pas encore l’homme politique et le scientifique renommé qu’il deviendra. Maurice Alhoy est journaliste et pamphlétaire. Ils ont 24 ans tous les deux. Ils veulent être le caillou dans la chaussure de Charles X. Leur journal ne comporte que quatre pages, c’est en apparence une feuille littéraire qui pratique en réalité la caricature et l’invective. On rit beaucoup, surtout aux dépens des royalistes. Mais les deux amis sont davantage des agitateurs que des hommes d’argent. L’affaire n’est pas rentable, et ils cèdent Le Figaro deux mois plus tard.
Le nom fait référence au personnage de Beaumarchais
Et notamment à son chef-d’oeuvre Le Mariage de Figaro. Beaumarchais a vécu durant le siècle précédent (il est mort en 1799). Mais il a encouru la censure de ce qui était l’Ancien Régime, et il n’est pas pour rien dans l’avènement des idées révolutionnaires. Sa pièce, dont le titre exact est La Folle Journée, ou Le Mariage de Figaro a été jouée la première fois le 27 avril 1784. Louis XVI règne à Versailles.
Le texte dénonce directement ou en creux les privilèges dont jouit l’aristocratie, et les abus de pouvoirs de la monarchie. Pour cette comédie, malgré des coupes imposées par le pouvoir, Louis XVI fit emprisonner Beaumarchais. Mais sous la pression de l’opinion publique, il dût le relâcher. Son entêtement et sa légende ont impressionné jusqu’à Étienne Arago. D’où le nom de son journal, comme un hommage rigolard. Et un classique intouchable. Je passe les étapes.
Le Figaro oscillera entre la monarchie, l’Empire, et l’opposition
Il manque de sombrer 10 fois. En 1854, il devient un quotidien littéraire au casting impressionnant : Balzac, Baudelaire ou Alexandre Dumas, écrivent dans ses colonnes. Son directeur, Hippolyte de Villemessant, invente des rubriques qui existent encore au XXIe siècle dans les journaux du monde entier : des brèves, des échos, une rubrique nécrologique et le courrier des lecteurs.
C’était bien avant Jean d’Ormesson. Le journal parait toujours, sous la forme désormais d’un quotidien d’information, de plusieurs déclinaisons magazines et d’un site internet. Mais l’appellation n’a pas changé. Ni la fameuse devise de Beaumarchais, toujours arborée en première page : "Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur".
Jusqu’à preuve du contraire.
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