Arnaud Assoumani, médaillé d'or au saut en longueur aux Jeux paralympiques de 2008 : "C'est une autre carrière qui s'est ouverte"
Médaillé d'or au saut en longueur aux Jeux paralympiques d'été de Pékin en 2008, Arnaud Assoumani a également décroché le bronze aux JO d'Athènes en 2004 et à Rio en 2016, l'argent à Londres, en 2012. Arnaud Assoumani est né sans avant bras gauche et découvre l'atlhétisme à 11 ans. À 38 ans, il est qualifié pour viser un nouveau sacre aux JO de Paris.
franceinfo : En 2008, après votre médaille d'or, au pied du podium olympique, avec votre médaille d'or autour du cou, vous dites aux journalistes penser à tous les gens qui vous ont "aidé à en arriver là". Une médaille d'or aux JO, c'est forcément un bonheur partagé ?
Arnaud Assoumani : Oui, ça doit l'être en tout cas, je pense. Parce que gagner seul, déjà, au final, c'est une utopie. J'avais été très déçu en 2004, parce que j'avais décroché une médaille de bronze. Je connaissais des débuts de problème au dos, qui allaient durer pendant un peu plus de trois ans. Et cette médaille d'or, ça a été un peu comme une libération au final, puisque je n'avais plus de problèmes physiques, cette année-là.
J'avais rejoint un groupe professionnel. J'avais énormément progressé, parce que je ne me fixais plus de limites, et j'ai commencé à gagner de l'argent grâce à mon sport. Avant ça, j'en perdais, alors que j'étais déjà champion du monde et médaillé de bronze paralympique. Mais à cette époque-là, on n'était pas au niveau d'aujourd'hui. Donc, tout a commencé réellement de manière plus professionnelle à ce moment-là, et c'est une autre carrière qui s'est ouverte après.
À quoi ressemble-t-elle cette autre carrière ?
Alors dès le départ, on a une prime paralympique qui est, pour la première fois, la même que pour les Jeux olympiques. Donc c'était 50.000 euros à l'époque, ce qui pour moi représentait énormément d'argent. Alors, divisé par toutes les années de travail au final, ce n'est pas tant que ça, mais j'ai pu investir dans mon projet, et commencer à avoir d'autres sponsors. Donc derrière, j'ai pu investir dans ma carrière, et souvent on en parle avec Kafétien Gomis par exemple, qui est mon entraîneur, et on se dit à chaque fois en fait, quand on a commencé à avoir plus de moyens, c'est là où notre carrière a réellement décollé, parce qu'on construisait déjà, on avait déjà cette mentalité d'investir dans notre préparation et dans notre sport depuis notre prime jeunesse.
Moi, lorsque j'ai pu avoir un peu d'argent à 17 ans, je me suis payé des semelles orthopédiques. Donc voilà, c'était un investissement. Mais ensuite, ça a été au niveau de l'entraînement, au niveau de la récupération : pouvoir partir en stage également pendant la période hivernale. Donc au fur et à mesure, c’est d'agrémenter des compétences et des expériences autour de soi. Et aujourd'hui, par exemple, j'ai une équipe qui est composée, du côté sportif, d'une dizaine de personnes, entre les soins, kiné, ostéo, médecin, la recherche pour la prothèse de course que je porte, le préparateur mental, je fais aussi du neuro-feedback avec un neuropsychologue.
Chacun peut s'entourer, mais pour ça, il faut des moyens. Et à côté, j'ai mon entreprise où j'ai une dizaine de personnes aussi, avec lesquelles je travaille pour mener à bien ma carrière, et aussi développer d’autres projets, pour me permettre d'être avec vous aujourd'hui et "d'essayer d'être bon", et d'être bon sur la piste, et de me libérer du temps, c’est grâce à ces équipes...
Le regard des autres, de vos voisins, de vos amis, a changé depuis que vous avez décroché tous ses titres ?
Ce qui a changé, je pense que c'est plutôt le rapport avec les partenaires, les sponsors, en fait, les médailles, ça apporte de la crédibilité. Donc cette crédibilité, le fait qu'on soit vraiment reconnus comme des athlètes aussi professionnels, même si certains ne vivent pas très bien, mais comme des athlètes olympiques, ça assoie quelque part une espèce de stature qui vaut ce qu'elle vaut, parce que c'est une image aussi qu'on peut avoir de l'athlète aussi, de cette espèce de gloire.
Et c'est un récit individuel, mais un récit collectif qu'on peut avoir aussi, notamment lorsqu'on est jeune, et qu'on rêve de se dire : "Ah, lorsque je vais gagner une médaille, il y aura l'Olympe, etc., la gloire, on sera en haut de la montagne"... Non en fait, tout ça est surtout dans notre tête, la réalité, c'est qu'est-ce qu'on en fait, et qu'est-ce qu'on souhaite véhiculer à travers ces médailles ? Et pour moi, ce n'est pas l'essentiel.
L'essentiel, c'est de pouvoir faire en sorte qu'il y ait par exemple un avant et un après Jeux paralympiques de Paris 2024 : permettre de visibiliser les athlètes, d'abord les mettre en avant, parce qu'il y a énormément d'enjeux auprès des personnes qui ont un handicap – soit plus de 12 millions de personnes en France pour l'accessibilité.
Mais c'est au sens large, ce ne sont pas que les transports ou l'hébergement, c'est l'école, les loisirs, l'accès aux sports et l'accès au travail également. Et puis inspirer aussi des personnes qui n'ont pas de handicap, et qui vont simplement vibrer, vivre des émotions, qu'il y ait médaille ou pas.
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