Mémoire d’info. Anne Nivat, grand reporter, en Tchétchénie en 1999 : "Mon premier bombardement aérien"
Pour ses trente ans, franceinfo a demandé à des personnalités de la culture et des médias de raconter l'info qui les a marquées ces trente dernières années. Anne Nivat, reporter de guerre, se souvient de son premier bombardement en Tchétchénie. C’était en 1999.
Anne Nivat est grand reporter, reporter de guerre et écrivain. Son dernier livre, Dans quelle France on vit, est sorti en mars. En octobre 1999, alors "toute jeune pigiste débutante", elle couvre le début de la seconde campagne russo-tchétchène. "Je me retrouve sous mon premier bombardement aérien, jamais je n’oublierai", confie-t-elle à Guy Birenbaum.
"L’armée fédérale russe a envahi pour la deuxième fois en moins de 10 ans le petit territoire de République de Tchétchénie, qui se trouve dans le nord Caucase", explique Anne Nivat. Elle se trouve alors à Bamout, en Tchétchénie, à la frontière avec l’Ingouchie, auprès des boieviki, les rebelles indépendantistes.
"Le ciel était en feu"
"Je n’oublierai jamais leurs visages, leur excitation d’enfants face à ces armes, raconte la journaliste. Et je me demande si ce n’est pas comme cela qu’on s’en tire, dans la guerre. C’est-à-dire que la frontière entre le virtuel et le réel est ténue. C’est ça qui m’a marqué, dès le départ, et je me pose cette question jusqu’à aujourd’hui. Bien sûr que j’étais dans l’ultra-réel, mais pour ne pas que le pire advienne, pour essayer de s’en sortir psychologiquement; Sur le moment, je crois qu’on essaye de croire que c’est un jeu, que c’est faux. Je crois que cela empêche d’avoir peur."
"Ils hurlaient, ils s’amusaient et le ciel était en feu, était orange et, moi, je me disais : 'Je suis dans la guerre, je suis dans la guerre'. Je n’arrivais pas à y croire. Ça a duré deux heures. Jusqu’au moment où, tout d’un coup, les avions bombardiers s’en vont. Je me rappelle du moment où, tout d’un coup, on entend à nouveau les oiseaux – c’était une belle journée d’automne – et on se rend compte que le ciel est bleu et qu’il fait beau. On se demande si on n’a pas rêvé."
"J'y vais pour raconter la vie des autres"
Pour Anne Nivat, "le journalisme, c’est la vie, c’est la vie des autres. Je ne vais pas quelque part parce qu’il s’y passe quelque chose mais j’y vais parce que j’ai envie de raconter la vie des autres." De cette expérience en Tchétchénie, la journaliste a tiré le livre Chienne de guerre : une femme reporter en Tchétchénie, Prix Albert-Londres en 2000.
Quelle actualité vous a particulièrement marqué ces trente dernières années ? A l’occasion du 30e anniversaire de franceinfo, Guy Birenbaum a posé la question à des personnalités de la culture et des médias. Ils évoquent une date, un événement marquant ou vécu de ces trente dernières années. Du lundi au vendredi, jusqu’au 24 août, Philippe Labro, Guillaume Durand, Mathieu Gallet, Anne Nivat, Jean-Michel Aphatie, Alain Chamfort… Tous se sont replongés dans leurs souvenirs, avec gravité ou émotion, de l’attentat du 11-Septembre à la chute du mur de Berlin en passant par l’expo "Sensation" à Londres, la libération de Mandela ou la mort de Lady Di.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.