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À la découverte de Naples, avec Jean-Noël Schifano

A l'occasion de l'exposition que le Louvre consacre à cette ville de la Méditerranée, José-Manuel Lamarque donne un coup de projecteur sur Naples, en invitant un de ses plus grands connaisseurs.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
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Temps de lecture : 5 min
Le Nuovo Castel, à Naples. (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

Le Louvre reçoit Naples jusqu'en janvier 2024, une extraordinaire exposition sur cette ville méditerranéenne. L'occasion de recevoir Jean-Noël Schifano auteur du Dictionnaire amoureux de Naples, qui avait dirigé l'Institut français de Naples et qui est le seul Français citoyen d'honneur de cette ville.

franceinfo : Vous avez publié ce Dictionnaire amoureux de Naples, en italien, grâce à une participation de la ville de Naples et de ses artistes ?

Jean-Noël Schifano : Absolument, je connais Naples viscéralement. Les Napolitains, les Napolitaines et tout ceux qui pensent et bougent à Naples me connaissent d'une façon extraordinaire et ils ont voulu savoir ce que j'avais écrit dans ce dictionnaire. Ils voulaient la traduction, si bien que tous les artistes napolitains ont donné une œuvre qui était vendue très, très peu cher par rapport au prix du marché. Et puis, les Napolitains eux-mêmes, quels qu'ils soient, donnaient quelque chose pour que le livre soit traduit et pour qu'ils puissent le lire. Et j'en suis très heureux parce que c'est un reflet.

Naples, avant, s'appelait Paleopolis ?

Oui, c'est une fondation rhodienne. Et le cœur de la ville est exactement où sont actuellement le château de L'œuf et Platamon - qui veut dire en grec les grottes - mais c'est la colline où il y avait la villa de Lucullus. Dans cette villa, Virgile a écrit, sous le portrait d'Homère, une partie de l'Énéide. Pendant toute la durée de l'Empire romain, les Romains - qui ont imposé la langue latine dans le monde entier - ont respecté la langue grecque à Naples : tous les actes étaient en grec.

Grâce à vous, on rencontre des personnages extraordinaires, comme Carlo Gesualdo, immense compositeur oublié, de l'époque du Caravage ?

Exactement. Le Caravage a peint à Naples ses plus beaux tableaux. D'ailleurs, le Louvre aura de nouveaux tableaux à nous montrer, dont La Flagellation du Christ qui est admirable. Le musicien Carlo Gesualdo a introduit le cri du meurtre dans sa musique, le cri du meurtre de son épouse et de l'amant. Il les a surpris tous les deux. C'est une histoire de meurtre et de remords. Il y a toujours ce contraste entre la mort, le sang, la vie, le désir et puis l'éternité. Parce que Naples, ce n'est pas qu'une ville, c'est une civilisation, c'est un État, c'est quelque chose qui est complètement à part. Il y a le « carpe diem » qui est très important, c’est fondamental. Vous savez que la grammaire napolitaine n'a pas le temps du futur. C'est parce que le temps du futur est complètement hypothétique.

Autre personnage, l'acteur Toto ?

Non seulement il fait rire, mais je crois que c'est le plus grand philosophe du XXᵉ siècle italien. Toto a le demi-masque de Polichinelle, là aussi fondamental, c'est à dire que tout le monde peut se mettre derrière le masque. C'est un demi-masque au niveau des yeux. Et puis il y a la sensualité de la bouche et du menton. L'habit est blanc. On voit l'habit blanc de Pulcinella, on voit son masque noir, on voit son chapeau de meunier blanc aussi, mais on ne voit pas qu'il a sous sa souquenille un maillot rouge, à ras du col, comme s'il y avait une trace de sang d'un coup décollé. Et on rejoint le sang de saint Janvier, décollé lui aussi en 350 après Jésus-Christ, un saint refusé par le Vatican. Vous avez cette rébellion permanente de Naples, où aucune inquisition n'a pu mettre les pieds. Il faut aller à Naples en connaissance de cause, se laisser porter par la ville, être complètement ouvert, écouter les Napolitains. Et vous serez dans un bonheur total…

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