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La guerre Russie-Ukraine, et l’Europe dans tout ça ?

Vladimir Fédorovski, l'écrivain russo-ukrainien le plus lu en Europe, est l'invité de "Micro européen". Il qui vient de publier un nouvel ouvrage, Nicolas II, Lénine, le roman d'une révolution. L'historien met en exergue les ressorts cachés d’une révolution comme clés historiques pour déchiffrer la Russie d’aujourd’hui. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'écrivain russo-ukrainien Vladimir Fédérovski a publié en 2022 deux ouvrages pour comprendre la situtation actuelle à travers l'histoire de la Russie. "Poutine, l'Ukraine, les faces cachées" et "Nicolas II, Lénine, le roman d'une révolution". (STEPHANE GUIOCHON / MAXPPP)

Nicolas II, Lénine, le roman d'une révolution de Vladimir Fédorovski qui vient d'être publié chez Balland nous apporte une compréhension sur l'histoire actuelle de la Russie contemporaine, sur l'âme et la pensée russe. C'est la suite du best-seller de l'historien, Poutine, l'Ukraine, les faces cachées, paru chez Balland en mars dernier. 

franceinfo : Vladimir Fédorovski, vous avez été aux côtés de Mikhaïl Gorbatchev qui nous a quittés récemment. Quel est votre éclairage sur ce que nous vivons aujourd'hui dans cette guerre russo-ukrainienne ?

Vladimir Fédorovski : Je pense qu'on vit un des moments les plus dangereux de l'histoire de l'humanité, parce qu'on n’a jamais été aussi près de la guerre mondiale comme aujourd'hui. Quoi qu'il arrive, si les Ukrainiens gagnent, comme beaucoup de gens le pensent, qu'est-ce que cela signifie ? Ça signifie la dislocation de la Russie ? La prise de la Crimée ? Dans ce cas-là, les Russes utilisent l’arme nucléaire, à coup sûr. Les Russes progressent dans le Donbass, s’ils gagnent, imaginons, ils vont aller à Odessa. Les Américains disent alors : on va intervenir, à coup sûr.

Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie la guerre mondiale. Il y a un troisième scénario, c'est le scénario de l'enlisement. Mais là, le dindon de la farce, c’est l'Europe, avec les prix qui vont flamber, la famine en Afrique. Bref, c'est une chose absolument imprévisible qui nous attend. C'est pour ça que je prône toujours la solution de désescalade.

Avec un deuxième front qui s'ouvre entre l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, et l'Arménie qui est aux côtés de la Russie ? 

Évidemment, c'est un grand danger. Mais les Américains ont toujours dit qu'ils veulent enflammer la périphérie russe. Mais les Russes ont assuré le cessez-le-feu. Il y aura d'autres choses qui vont continuer.

C'est comme la Serbie et le Kosovo une fois de plus ? La Serbie est aux côtés de la Russie et le Kosovo, soutenu par les Américains ?

Évidemment, mais il y a la Moldavie, il y a beaucoup de choses. L'autre jour, j'ai parlé avec les gens qui ont géré la crise de Cuba, l’adjoint de McNamara m'a dit que leur préoccupation première alors, c’était de trouver l'issue, essayer de trouver le compromis.

Donc un dialogue rompu entre l'Europe et la Russie ?

C'est vrai que tout le monde s'enferme dans sa logique. Personne ne peut reculer : Biden pour gagner le mi-mandat, Zelensky, Poutine ne peut pas reculer, sinon politiquement il est mort. Rajoutez à cela la guerre psychologique, la guerre de l'information quand les gens mentent et croient leurs mensonges, tout ça c'est un grand danger, sans parler de l’Europe, le dindon de la farce.

Pour la seconde fois, vous citez l'Europe comme le dindon de la farce. Entendez-vous que nous nous fions trop à des informations, je dirais de l'Ouest ?

Vous savez, on a vécu dans un monde imaginaire. Si vous écoutez les médias occidentaux, on dit que c’est le grand complot contre Poutine, qu'il est malade. Toutes ces choses-là, c'étaient des bêtises. Et finalement, on arrive à la situation que l'alternative à Poutine, hélas, ce ne sont pas pas du tout des pro-occidentaux.
Aujourd'hui, à peine 10%, peut-être même 5% des Russes sont pro-occidentaux et le reste est beaucoup plus radical. Ils disent que l'Europe a trahi ses valeurs, qu’elle est en train de s’islamiser, et finalement, c'est pour cela qu'ils se tournent vers l'Asie.

Kissinger a souligné avec beaucoup d'angoisse  l'alliance irréversible entre la Russie et la Chine. Et je pense que l'intérêt, l'intérêt bien compris de l'Europe, mais surtout l'intérêt de nos enfants, l'intérêt aussi des gens qui veulent survivre à cette crise, évidemment c'est d'essayer de trouver le compromis honorable.

D'ailleurs, c'est l'intérêt, ukrainien que je suis, c'est l'intérêt du peuple ukrainien parce que l'Ukraine aussi doit penser à la reconstruction. Je suis persuadé qu'il faut lancer le plan Marshall pour reconstruire l'Ukraine. Et si on peut vraiment trouver la solution, pourquoi ne pas éviter le pire aujourd'hui…  

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